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« Le baron Fernand Epstein s’est suicidé ce matin. »

Elle vacilla, s’évanouit. Félicité, survenue, la retint dans ses bras.

Devant d’énormes différences restées impayées, formant avec ses propres pertes un passif de plus de vingt millions, le baron Fernand Epstein, s’était, le matin du 5 mars, brûlé la cervelle. Assis à cette table de travail où Louise souriait dans son cadre de diamants, il avait pu, avant de mourir, voir à travers les hautes fenêtres les arbres du parc Monceau déjà couverts des bourgeons d’un nouveau printemps.

Un peu de sang avait roulé en un mince filet, le long de sa tempe et restait collé dans la moustache.

Le revolver fut retrouvé à terre.


XIV


Louise demeura trois jours et trois nuits étendue sur son lit, se nourrissant de quelques gouttes de lait et ne pouvant supporter la lumière. Parfois elle s’assoupissait, puis se réveillait au milieu de cauchemars.

La vision ne variait guère : Fernand, son revolver à la main, s’affaissait dans une marc de sang. Mais une fois il était venu à elle, et lui avait dit : « Je ne suis que blessé », et, comme il la saisissait dans ses bras, elle avait senti la chaleur du sang qui coulait. Elle se souleva en poussant un grand cri. Et ces trois nuits et ces trois jours passèrent comme une seule longue nuit remplie d’effroi.

Félicité et Éliane se relayaient pour qu’elle ne fût pas seule. Elle tenait les paupières closes, ne parlait pas, laissait entendre une faible plainte. Toussard aussi venait très doucement s’informer. Et, l’ayant surprise les yeux ouverts et pleins d’épouvante, il lui prit les deux mains et lui dit :

— J’ai connu une petite Louise Kérouall, qui arrivait de son pays. C’était une bonne petite fille. Depuis, elle a eu un mauvais rêve, mais c’est fini, et il faut tout oublier.

Le médecin ordonnait des calmants, conseillait une nourriture légère. Et il ajoutait :