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la rue de la Paix. Du reste, nous causerons de bien des choses, la prochaine fois : aujourd’hui nous n’avions pas le temps.

Louise parut avenue de Villiers à l’heure vraisemblable du train de Bordeaux. À cause de Toussard, qui se trouvait là, Félicité ne dit rien, mais la jeune fille sentit bien qu’elle n’était pas dupe de cette arrivée si confusément annoncée. On parla des Kérouall, du séjour d’Arcachon, de madame Block et de ses demoiselles.

— À propos, — dit Félicité, — tu sais qu’Éliane se marie avec M. Poncelet. Sans doute, elle a dû te l’écrire.

Louise n’avait pas reçu de lettre.

Toussard fut charmant. Peut-être avait-il chassé de sa pensée ce qui lui avant tant déplu, ou, s’il y songeait encore, supposait-il que le financier avait dû être liquidé en fin de saison…

Le lendemain, au matin, Louise se rendit à la rue de la Paix, où elle fut accueillie avec égards et amitié. Quoiqu’elle eût toujours gardé beaucoup de discrétion, on en savait assez pour que l’importance de sa conquête l’entourât de quelque prestige : la richesse, à l’égal de la sainteté, met un nimbe autour des personnes.

Comme elle félicitait Éliane de son prochain mariage, celle-ci marqua son désir de lui raconter comment les choses s’étaient passées et l’on se donna rendez-vous au thé du boulevard Haussmann, où elles seraient tranquilles pour causer.

À midi, toutes deux se retrouvèrent dans l’élégante boutique, devant une petite table laquée de vert. On leur servit du thé et des œufs. Éliane, très émue, commença son récit :

— Vous savez que j’étais à Barbizon avec Poncelet. Je ne l’avais jamais vu plus gentil, plus aux petits soins pour moi. Il travaillait beaucoup. Je lui posais toutes les figures, et, comme il variait la couleur des cheveux et des yeux, je vous demande s’il était possible de s’en apercevoir. Cependant, une fois, il me dit que je n’avais pas assez de carrure pour la bûcheronne qui devait porter des fagots sur le dos ; mais je déclarai formellement que je ne voulais pas de modèles chez nous.

» Un jour, je fus appelée à Paris auprès de ma pauvre grand’mère, qui tout à coup se sentait au plus mal. Quand j’arrivai, elle était morte, et, pour ne pas me rencontrer avec le