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HISTOIRE
D’UNE
DEMOISELLE DE MODES[1]

X


En roulant parmi les villes et les villages et la verdure, sous la poussière amassée durant une longue sécheresse, Louise pensait à cette autre Louise qui faisait le voyage inverse dix mois auparavant et qui n’était plus, et qui ne serait plus jamais. Elle songeait aux dernières semaines, à ces journées brûlantes où, dans l’odeur des roses, elle avait été si ardemment aimée : il lui semblait qu’une buée de tristesse montait de ces souvenirs et les voilait. Pourquoi ? Elle n’en savait rien, elle était bien incapable même d’en chercher les raisons. Les âmes, comme des harpes, frémissent sous le vent qui passe. Et, sans doute, en elle, les cordes de la joie n’avaient pas été touchées.

Sur le quai de la gare, à Bordeaux, toute sa famille attendait. Louise sauta du wagon, et ce furent d’abord des étreintes et des cris, où l’on ne se voyait ni ne s’entendait plus. Enfin on se calma, et la petite Parisienne, regardant les siens, s’aperçut

  1. Voir la Revue du 15 mars