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que la silhouette de Fernand se détachait seule parmi toutes les autres, et un tressaillement la prenait quand elle l’apercevait.

Et Félicité, qui le voyait aussi, mais moins souvent parce qu’elle avait la vue basse, n’en disait rien pour ne pas donner d’importance à la chose et pour que sa nièce ne se montât pas la tête.

Plus amoureux chaque jour, Epstein songea bien à utiliser une dame, qu’il savait habile, et qui se ferait une joie de le servir, mais il y renonça, ne voulant pas mêler une personne de ce genre à une aventure qui lui tenait si profondément au cœur.

Enfin, comme il ne pensait plus à autre chose, une idée lui vint. Ayant vu Louise sortir, un soir, du magasin avec Éliane, il se dit qu’il s’adresserait à Éliane.

Deux jours plus tard, Louise, en arrivant le matin, aperçut son amie, qui lui fit signe de la rejoindre dans un coin encore libre.

— Figurez-vous — lui dit-elle — qu’il y a quelqu’un qui est en train de mourir de chagrin à cause de vous.

— Vraiment ! — fit Louise.

— Oh ! ne faites pas l’étonnée, vous savez très bien de qui je veux parler. Il vous suit partout, il en a perdu l’âme et les sens : jamais je n’ai vu un jeune homme aussi malheureux et aussi épris.

Dans son zèle, elle faisait bon marché même de l’amour de Poncelet pour elle.

— Louise, — continua-t-elle, — si vous avez un peu de cœur, vous consentirez à l’écouter, ne fût-ce qu’un instant. Il m’a fait tant de peine que je n’ai pas hésité à me charger de vous parler.

À ce moment, les deux amies se virent interrompues par madame Block, qui demanda à Louise de venir essayer les nouveaux modèles. Dans la journée, elles ne purent se rejoindre que furtivement.

— Que dois-je dire ? — murmura Éliane.

— Je ne sais, — répondit Louise.

Un grand trouble maintenant la tenait, ne la quittait plus, et elle croyait sentir tout autour d’elle les flammes d’un buisson ardent qui se rapprochaient, l’effleuraient, et bientôt la consumeraient tout à fait.