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robe claire, et, comme ces demoiselles, elle avait attaché un bouquet de roses à son corsage. Au moment où elle s’enfonçait sous la porte cochère, elle vit qu’un jeune homme brusquement s’arrêtait. L’espace d’une seconde, sous les rayons d’un soleil qui éblouissait, il lui apparut blond, mince, de petite taille, d’élégante allure.

Elle eut une assez vive surprise lorsque, le lendemain, l’inconnu entra dans les salons et demanda madame Félicité. Mis avec recherche, il portait à la boutonnière un magnifique œillet blanc. Il expliqua qu’une partie de sa famille habitait l’Autriche, et qu’il désirait choisir des chapeaux pour les expédier à Vienne. Comme d’habitude, on appela Louise pour lui faire essayer les modèles.

Assise devant une glace, elle sentait les regards de feu de l’étranger aller d’elle à son visage reflété, et elle en éprouvait un grand trouble. Elle chercha même un prétexte pour qu’Éliane vînt la remplacer, mais elle ne réussit pas à s’échapper.

Ce client singulier s’embrouilla d’ailleurs dans ses commandes, ne sachant plus si c’était quatre ou six chapeaux qu’il lui fallait, et finalement il donna son adresse : « Baron Epstein, rue d’Anjou, 49 bis. »

— Quel original ! — s’écrièrent ces demoiselles, — on ne sait s’il rêve ou s’il veille ; et, si ses parentes sont bien coiffées, ce sera certes par la grâce de Dieu. Seulement, il n’y a pas à dire, c’est un joli garçon.

— Avez-vous remarqué — fit Marguerite — le rubis qu’il portait au petit doigt ? Je l’échangerais bien contre ma petite bague, avec du retour s’il l’exigeait !

— Ne voyez-vous pas qu’il est venu pour Louise ? — dit Irène, — il ne la quittait pas des yeux.

— Sapristi ! — fit Marguerite, — six chapeaux à cent cinquante francs l’un dans l’autre !… Il en coûte moins cher pour voir la belle Fatma à la foire de Neuilly.

On alla déjeuner, le reste des conversations se perdit dans l’escalier…

Le baron Fernand Epstein, à propos de qui s’étaient échangées ces réflexions, était bien connu à la Bourse, dans les restaurants à la mode et les foyers des théâtres. D’origine autri-