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— Tout de suite les chapeaux de madame la comtesse de X… !

La demi-mondaine était reçue de façon plus discrète, mais non moins flatteuse. On venait la saluer, on lui parlait à voix basse, en montrant un intérêt, une sympathie véritables. Mais l’enthousiasme complet et sans réserve n’éclatait qu’à l’entrée de la comédienne célèbre. Pour elle toutes accouraient, l’entourant, l’adulant, la félicitant, l’enviant, l’aimant. Il semblait qu’elle apportât avec elle tous les hommages, toutes les acclamations, l’éclat de toutes les fleurs tombées à ses pieds, et c’était avec une émotion mêlée de trouble et d’orgueil qu’on lui essayait les chapeaux destinés à sa prochaine « création ».

Le soir vint : les salons, que le gaz éclairait depuis longtemps déjà, se vidèrent peu à peu. Lasses, les vendeuses se reposaient un instant, notaient les dernières commandes, avant de se retirer.

— Eh bien, petite Louise, — dit gaiement Félicité, — ça n’a pas été trop mal pour un début. Tu ne t’es trompée que deux fois en allant à la manutention ; et encore, la seconde t’a valu un succès, puisque la dame a trouvé tes fleurs bien plus jolies que celles qu’elle demandait… Pour te récompenser, je vais te montrer la rue de la Paix.

Toutes deux descendirent. La rue était encore sillonnée de passants et de voitures. Dans la nuit, le cordon des becs de gaz s’allongeait, pareil à des colliers de lumière, et, des deux côtés du trottoir, les boutiques étincelaient. Dans les vitrines garnies de velours grenat, l’éclairage, savamment conduit, frappait les diamants, — telles les projections dardées sur les danseuses dans les ballets-pantomimes. Et, — sous ces rayons, les pierreries s’animaient, ruisselaient, lançaient des jets de feu, gerbes et étoiles qui se jouaient en fusées de toutes couleurs et semblaient le crépitement de ces pierres précieuses qui se consumaient. Le rubis brûlait d’une flamme sanglante et l’eau verte de l’émeraude était comme empoisonnée. Tout près, pour ménager un repos à l’œil, luisait la douceur charmante des perles, s’arrondissant sous la nacre délicieuse de leur peau.

Sautoirs et bracelets, triples et quadruples rangs, rangs à l’infini, d’où pendaient de lourdes poires, rangs serrés, dits à la chien, torsades, fleurs, papillons, nœuds, feuillages, toutes