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Voulez-vous le hennin d’Isabeau de Bavière, la coiffe de Marie Stuart, le chaperon de Marguerite de Valois, la fontange de la duchesse de Bourgogne, la casquette de madame Tallien ou le turban de madame de Staël, le tout visible ici dans quelques instants et pour rien ?

Louise l’écoutait avec un mélange de surprise et d’effroi, puis elle dit tristement :

— Mon Dieu, que de choses je vais avoir à apprendre, et combien je me sens ignorante et ridicule ! Chez nous on ne connaît que le mouchoir… car, pour le reste, ma tante m’a dit de ne pas appeler cela des chapeaux, mais plutôt des infamies.

Le dîner s’acheva parmi des propos divers ; puis, lorsqu’on se fut levé de table, on se rendit au boudoir.

C’était une toute petite pièce, la seule que M. Toussard avait eu le goût et le loisir d’achever. Sur les panneaux de gros de Tours qui en faisaient la tenture, des instruments de pêche et de jardinage étaient brodés ; ils venaient d’un salon de musique de la reine Marie-Antoinette. Le boudoir ne contenait que peu d’objets, mais tous rares et exquis.

— Je ne le montre pas à tout le monde, — fit Toussard ; — j’ai peur que la laideur et la bêtise ne le gâtent, rien qu’en y passant. Mais vous, — dit-il à Louise, — vous le parez, et, un jour que j’aurai le temps, je vous mettrai un bel habit de l’époque et vous m’en ferez les honneurs.

Le jeune domestique entra pour dire que le café était servi, et aussi que monsieur et madame Flandin venaient d’arriver.

Toussard alla saluer ses visiteurs. Ceux-ci étaient assis côte à côte sur le canapé, au seul endroit où les livres et les gravures avaient laissé vide un petit espace. Ils se levèrent. Flandin, dont le grand talent de dessinateur et de peintre n’intéressait encore que de rares connaisseurs, était un petit homme à l’air innocent et vif, au sourire mélancolique et fin. Il tenait à la main un chapeau pointu du genre tyrolien. Madame Flandin, copieuse et maussade, montrait un visage énormément fardé. De ce qu’elle avait été finalement épousée, elle laissait voir un immense orgueil et une violence agressive. Mais elle méprisait son mari parce qu’il était modeste et pauvre.

— Je suis tout à fait heureux de vous voir, — dit Toussard, — et de vous dire que nous avons réussi. L’État fera