Page:Revue de Paris - 1908 - tome 2.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans de petites expéditions à l'intérieur. En revanche, les Allemands avaient une idée très fausse et un trop grand mépris de la force des indigènes. Ils s’étaient arrogé peu à peu une situation de maîtres, qu’ils n’étaient pas en état de défendre le cas échéant. La présence d’une armée dès le début plus forte aurait peut-être prévenu toute explosion ; le principe de la douceur n’était pas incompatible avec une occupation militaire sérieuse.

Mais si la faiblesse numérique de la troupe allemande a pu encourager la rébellion, elle ne l’a pas provoquée. Les causes immédiates du soulèvement, nous les avons déjà citées : ce furent l’appauvrissement rapide des propriétaires du sol, l’aliénation constante de leurs terres et de leurs troupeaux, le recouvrement brutal des dettes par les petits trafiquants. Ces peuplades de pasteurs voyaient approcher le moment où celles n’auraient plus à garder que les troupeaux du Blanc. C’en serait fini de l’existence nomade et paresseuse ; les anciens maîtres de la brousse seraient parqués dans des réserves étroites, s’ils ne voulaient pas se résoudre à devenir les ouvriers agricoles du Blanc. L’infériorité de leur situation était chaque jour plus évidente. Ils savaient que des traités signés entre leurs chefs et les étrangers reconnaissaient une parfaite égalité des deux races ; mais ils voyaient qu’à chaque occasion la justice des Blancs violait ce principe reconnu. Les iniquités légales, les avanies, les mauvais traitements excitaient chez eux une indignation journalière.

A cela s’ajoutait une manière de patriotisme rudimentaire. Les indigènes n’étaient pas insensibles à l’abaissement politique de leur pays et aux empiétements continuels des Allemands sur l’autorité de leurs chefs. Ils en voulaient aux Allemands en particulier, et non pas à tous les étrangers. Il suffisait qu’un trafiquant fût Anglais, ou se fît passer pour Anglais, pour être reçu à bras ouverts dans les campements. Les indigènes avaient des rapports pacifiques et même amicaux avec les Boers. Parmi les Allemands eux-mêmes, ils faisaient une distinction entre les immigrants récemment débarqués et ceux dont l’arrivée était antérieure à l'occupation. Un fermier, du nom de Conrad, qui habitait le pays depuis plus de trente ans et qui s’était d’ailleurs toujours fait estimer des indigènes par son esprit d’équité