Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Voulez-vous dire que Judy n’est pas à la maison… pas en ville ? — s’écria-t-elle.

— Oui, c’est bien ce que je veux dire, — répliqua Trenor, ses fanfaronnades cédant la place à la mauvaise humeur sous le regard de Lily.

— Allons donc !… je ne vous crois pas… Je vais monter, — dit-elle avec impatience.

Contre son attente, il s’écarta, et lui laissa gagner le seuil sans difficulté.

— Montez, grand bien vous fasse !… mais ma femme est à Bellomont.

Lily eut ce trait de lumière, qui la rassura :

— Si elle n’était pas venue, elle m’aurait envoyé un mot…

— C’est ce qu’elle a fait : elle m’a téléphoné, cet après-midi, de vous prévenir.

— Je n’ai rien reçu.

— Je ne vous ai rien envoyé.

Ils se toisèrent tous deux, un instant ; mais Lily continuait à voir son adversaire à travers une vapeur de mépris qui rendait toutes les autres considérations indistinctes.

— Je ne puis imaginer quel but vous aviez en me jouant un tour si stupide ; mais, si vous avez pleinement satisfait votre singulier sens de l’humour, il faut que je vous prie, encore une fois, de faire appeler une voiture.

C’était une fausse note, et elle s’en rendit compte pendant qu’elle parlait. Pour que l’ironie blesse, il n’est pas nécessaire qu’elle soit comprise : les marques de colère que montrait le visage de Trenor auraient pu être produites par un véritable coup de fouet.

— Écoutez, Lily, ne prenez pas avec moi ce ton arrogant et hautain. (Il s’était de nouveau dirigé vers la porte, et, dans son instinctive répugnance, elle le laissa se planter sur le seuil.) Oui, je vous ai joué un tour, je l’avoue ; mais, si vous vous figurez que j’en ai honte, vous vous trompez… Dieu sait que j’ai été assez patient : j’ai tourné autour de vous comme un idiot, pendant que vous vous laissiez approcher par un tas d’autres gaillards… auxquels vous permettiez de se moquer de moi, sans doute… Je n’ai pas d’esprit, et je ne sais pas habiller