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vers un siège bas, près du foyer ; mais elle s’arrêta et se dégagea tranquillement.

— Voulez-vous dire que Judy n’est pas assez bien pour me voir ? Ne désire-t-elle pas que je monte ?

Trenor vida le verre qu’il s’était versé, et le déposa lentement avant de répondre.

— Non, non… Le fait est qu’elle n’est en état de voir personne… C’est venu tout d’un coup, figurez-vous, et elle m’a prié de vous dire combien elle était désolée… Si elle avait su où vous dîniez, elle vous aurait envoyé un mot.

— Elle savait où je dînais : je l’avais dit dans mon télégramme… Mais cela n’a pas d’importance, bien entendu… Je suppose que, puisqu’elle est si mal en train, elle ne retournera pas à Bellomont dans la matinée : je pourrai venir la voir.

— C’est ça… parfaitement… excellente idée !… Je lui dirai que vous entrerez un instant, demain matin… Et maintenant asseyez-vous une minute, voilà… et taillons ensemble une bonne petite bavette… Vous ne voulez pas boire une goutte, juste pour être sociable ?… Dites-moi ce que vous pensez de cette cigarette… Quoi ! vous ne l’aimez pas ? Pourquoi la jetez-vous ?

— Je la jette parce qu’il faut que je m’en aille… Voulez-vous avoir la bonté de me faire appeler une voiture ? — répliqua Lily avec un sourire.

Elle n’aimait pas l’agitation peu naturelle de Trenor et ce qui en était l’explication trop évidente : l’idée de se trouver seule avec lui, son amie étant là-haut, hors d’atteinte, à l’autre bout de la grande maison vide, ne lui faisait pas désirer la prolongation de leur tête-à-tête.

Mais Trenor, avec une promptitude qui n’échappa pas à son attention, s’était placé entre elle et la porte.

— Pourquoi faut-il que vous vous en alliez ? Je voudrais bien le savoir… Si Judy avait été là, vous seriez restée à bavarder jusqu’à je ne sais quelle heure… et vous ne pouvez pas me donner cinq minutes ?… C’est toujours la même histoire… Hier soir, je n’ai pas pu vous approcher. Je ne suis allé à cette odieuse, à cette fête, odieusement vulgaire que pour vous voir ; tout le monde parlait de vous, et on me demandait si j’avais jamais rien vu d’aussi étourdissant, et, quand j’ai essayé de