Page:Revue de Paris - 1908 - tome 1.djvu/477

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de s’entendre à l’Hôtel de Ville sur le choix de candidatures ouvrières, le même peuple est soulevé : les mêmes hommes se mettent à sa tête, et d’un congrès électoral, en animant les esprits, en échauffant les âmes, ils font une manifestation contre les élections. Mais ce jour-là encore, la conspiration devait passer sous les fourches caudines du vrai peuple.

Sans cesse vaincus, ils ne se découragent pas. Le 15 mai vint jeter un jour complet sur les moyens que ce parti appelait au secours de ses projets.

Ce fut, comme le 17 mars et le 16 avril, un faux en manifestation publique, s’il est permis de parler ainsi. Une pétition en faveur de la Pologne fut le prétexte : la violation de l’Assemblée, la négation de la France, furent le but.

Ici encore la réaction devait échouer. Pendant que des factieux attentaient à la Représentation, la foule venue là pour la Pologne faisait retentir la place du cri : « Vive l’Assemblée nationale ! » — Ses prétendus délégués mentaient encore.

Le complot échoua par la modération du gouvernement attaqué. Il s’enveloppa comme Marius de sa majesté : pas une goutte de sang ne coula. Les conjurés étaient trompés dans le plus honteux des calculs. À leur honte éternelle, ces hommes, pour qui le peuple qu’ils flattaient sans cesse n’était qu’un marchepied, avaient eu le courage de spéculer sur son sang. Un projet de grief rédigé d’avance témoigne que leur calcul était celui-ci : ils menaient sciemment, sous couleur de Pologne, le peuple à la boucherie ; on tirerait sur lui pour venger l’attentat qu’ils allaient commettre, eux ; ils ramasseraient ce sang pour le jeter à la face de l’Assemblée et la marquer du sceau mortel qui désigne les victimes ; l’erreur de l’Assemblée serait son crime : l’erreur du peuple serait leur vengeance.

Ce complot, qui soulève la conscience de dégoût, avorta : cette terrible machine, chargée de haines jusqu’à la gueule, ne porta pas. Elle partit sans laisser d’autre trace qu’une tache indélébile au front de ceux qui avaient pu concevoir un tel projet et oser l’entreprendre.

Ainsi le peuple lutta jusqu’au bout : il devait succomber sous le poids des malheurs que l’on accumulait sur sa tête pour faire enfin fléchir sa résolution et son courage.

Dirons-nous ce que furent les lamentables journées de Juin ?