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LA REVUE DE PARIS

conduite, de refuser de prêter son concours. « L’organisation de la Société étant toute militaire, il (l’individu) sera à sa disposition toutes les fois que le comité central aura décidé une permanence armée ou sans armes ; sans qu’il puisse arguer ni de ses biens de famille, ni de ses affaires personnelles » ; — « il faut qu’il ait fait abnégation de son individualité d’une manière aussi absolue pour le service de la société ».

Tel était le serment que devaient prêter ceux qu’on enrôlait dans ce corps mystérieux, dont beaucoup ignoraient le but et les résolutions. C’était le perinde ac cadaver de ces nouveaux rose-croix qui tiraient l’épée contre la liberté au lieu de la défendre.

Voici un exemple des moyens dont on se servait pour diviser les citoyens, effrayer les uns, exaspérer les autres, désunir toutes les classes. « Si l’adversaire politique est noble, légitimiste, le délégué insistera sur les malheurs dont ces légitimistes, ces monarchiens, ont doté la France » — jusqu’ici rien que de juste — « ils se sont enrichis aux dépens des travailleurs, cela constamment, aspirant à conserver les privilèges, les gros impôts. Si l’adversaire est un financier, un homme à écus, le délégué le peindra comme ayant toujours enlevé à l’agriculture, au paysan, à l’ouvrier, la plus large part des bénéfices de leur labeur, escomptant la sueur, la fatigue du peuple, qu’il opprimait encore sous le régime d’égoïsme renversé. »

Proud’hon avait jeté à la société moderne cette accusation : « la propriété, c’est le vol » ; il expliquait cet aphorisme. Ces faiseurs de propagande allaient plus loin, ils disaient : les propriétaires sont des voleurs ! C’était l’appel aux armes et à la guerre civile.

Tel était le travail souterrain auquel la France était soumise : c’était par ces insinuations, c’était par ces menaces qu’une lutte funeste était préparée, jour par jour et heure par heure, jusqu’au moment où toutes les classes lasses de se craindre et fatiguées de se trouver face à face, les unes avec une espérance qui les enivrait, les autres avec une menace, en viendraient aux mains.

À chaque effort du gouvernement pour l’établir la confiance, il répondait par un coup qui ébranlait la France ; il paralysait les effets du bien en inspirant sans cesse la crainte du mal. Il