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le Deux Décembre, « capable d’une politique de raison et non d’une politique de sentiment ». Cette nouvelle étude, malheureusement, ne fut pas terminée. Les nombreux morceaux qu’elle comprend sont originaux, éloquents, mais il manque, par endroits, le lien final. Peut-être les publierons-nous un jour, avec d’autres écrits politiques de Waldeck-Rousseau, également inédits. Aujourd’hui, nous en détacherons seulement les premières lignes, parce que, dans la pensée de l’auteur, elles étaient destinées à expliquer la raison déterminante de son aperçu sur la Révolution de 48 :

« Ces quelques pages, dit Waldeck-Rousseau en parlant de Ce qui tue les Républiques, étaient écrites avant les dernières élections. Elles avaient été inspirées par un sentiment de réparation envers une époque singulièrement méconnue par beaucoup, indignement calomniée par quelques-uns ; par un sentiment de justice vis-à-vis de ce peuple qui subit plus les révolutions qu’il ne les fait de lui-même, souvent dupe, souvent victime, et jamais bourreau tant qu’il n’a pas cessé de s’appartenir à lui-même ; par un sentiment d’indignation et de mépris vis-à-vis de ces ambitieux obscurs, termites souterrains des révolutions, qui amenèrent la catastrophe de Juin… »

Ce n’est pas à nous de dire les remarquables qualités de cet essai de politique et d’histoire. Nous sommes persuadé que l’on sera frappé par la profondeur de pensée et la maturité de jugement qui caractérisent cette œuvre d’un jeune homme de vingt-deux ans. En tout cas, l’on ne pourra moins faire que de noter au passage, dans ces lignes datant de 1869, quelques-unes des idées directrices qui animeront, quinze ans plus tard, la doctrine politique et sociale de l’illustre homme d’État.

Henry Leyret


« Ce sont nos dettes qui font notre force, il n’y a pas un gouvernement assez audacieux pour accepter notre succession. »

Moins profonde que cynique, cette parole qu’on attribue à un homme haut placé dans les conseils d’un souverain pourrait servir d’épigraphe à l’histoire de nos révolutions. Elle explique en même temps l’inconcevable spectacle de ces règnes qui ne compensent même pas l’absence des libertés publiques par une apparente prospérité matérielle.

Un coup de main heureux, une sédition prétorienne portent au pouvoir un soldat de fortune ou un conspirateur audacieux : il fait main basse sur les libertés du pays et proclame du droit des baïonnettes le règne de tous par un seul. Il gouverne ; les charges qui s’accroissent, les impôts qui s’élèvent,