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CHEZ


LES HEUREUX DU MONDE[1]

XVI


Sur les marches du casino, Selden sentit nettement que Monte-Carlo, plus que tout autre endroit de sa connaissance, avait le don de s’accommoder à l’humeur de chacun.

Son humeur, à lui, en ce moment, prêtait à ce décor un air joyeux et accueillant qui, pour un œil désenchanté, serait devenu banalité superficielle. Un appel si franc au plaisir pris en commun, un assentiment si déclaré à ce goût des vacances propre à la nature humaine, rafraîchissait un esprit harassé par un travail long et sévère dans un milieu favorable à la discipline des sens. Tandis qu’il examinait la blanche esplanade, encadrée coquettement par cette architecture exotique, et le caractère soigneusement tropical de ces jardins, et les groupes de flâneurs, au premier plan, se détachant sur les montagnes mauves qui semblaient une magnifique toile de fond oubliée dans un rapide changement de scène, — tandis qu’il respirait cette atmosphère de lumière et de loisir, il éprouva un mouvement de répulsion pour les derniers mois de son existence.

L’hiver de New-York avait déroulé une interminable perspective de jours ensevelis sous la neige, pour aboutir à un printemps de soleil brusque et de bourrasques, où la laideur

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    Voir la Revue des 15 novembre, 1er, 15 décembre 1907 et 1er janvier 1908.