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fournit le séjour de Nicolas II à Varsovie, évoqué plus haut, sont pour démentir les conjectures pessimistes qui pourraient être tirées de ce fait. Sur le fond de la question, le parti des réalistes a vaincu déjà. C’est celui des sages, et on doit espérer encore qu’après les entraînements excusables d’un patriotisme trop longtemps comprimé, la sagesse aura son tour.

L’esprit public en Pologne attribue une importance peut-être exagérée, à une clause des « revendications nationales » visant l’emploi exclusif de la langue polonaise dans les écoles, les prétoires et les bureaux. C’est affaire de sentiment plutôt que d’intérêt sagement compris. Comme les chemins de fer, les postes et les télégraphes dont le maintien dans les mains du gouvernement central était inévitable, la langue est un moyen de communication, indispensable dans cette association d’intérêts que l’union politique comporte. Elle n’est pas, elle n’a jamais été nulle part un instrument de dénationalisation. Les écoles allemandes du duché de Posen ont fourni à la Pologne le seul exemplaire de paysan patriote, ou peut s’en faut, dont, jusqu’à hier, elle pût s’enorgueillir, et, au moment où, voici soixante ans, la Bohême a revendiqué, avec le succès que l’on sait, l’intégrité de son patrimoine national, les paysans seuls y parlaient le tchèque. Même en politique, toutefois, on doit compter avec le sentiment, et les Russes feront preuve de sagesse, en adoptant, sur ce point, un moyen terme, propre à ménager des susceptibilités compréhensibles.

Mais, pour les uns comme pour les autres, le point essentiel est celui du personnel administratif, scolaire et judiciaire, et ici l’abandon des méthodes de russification paraît s’imposer de façon absolue, dans l’intérêt commun, Plus de tchinovniks, rebut des chancelleries pétersbourgeoises, jouant au satrape dans le moindre village polonais ! Plus de magistrats improvisés, ignorant presque toujours la législation locale et laissant fréquemment derrière eux, à Saint-Pétersbourg ou à Moscou, un casier judiciaire désagréablement chargé ! Plus de maîtres d’école plus habiles et mieux appliqués à extorquer des pots de vin qu’à enseigner les finesses de la grammaire russe ! Outre la nécessité de soustraire tout un peuple à une tyrannie intolérable et de lui ouvrir, sur place, l’accès des carrières