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journée, dont il est difficile d’apprécier toutes les circonstances. Mais la gloire du général en chef eût certainement été plus grande si un peu plus d’humanité avait présidé la victoire. Pourquoi ensuite cette scène de profanation de la tombe du prophète ? Pourquoi ce squelette mutilé et ces restes jetés au Nil ? De tels actes, qu’on aime à croire accomplis par de simples subordonnés, ne rehaussent pas leurs auteurs et ils laissent derrière eux des haines profondes. Une autre démonstration, d’un caractère plus noble, fait heureusement oublier la première : des honneurs militaires, exceptionnels furent rendus à la demeure où l’infortuné Gordon avait péri treize ans auparavant.



Ces événements livraient au vainqueur tout le cours du fleuve, car la résistance au sud de Khartoum ne pouvait plus être sérieuse. Le général Kitchener enleva, après une courte lutte, le camp des derviches à Renkh et put amener ses canonnières jusqu’à Fachoda. Lui-même parvint devant cette place le 19 septembre, escorté de 2 000 hommes et de quelques pièces légères d’artillerie. Il y trouva la mission Marchand installée, ainsi qu’il en avait reçu l’avis quelques jours auparavant. Il s’était fait précéder d’une lettre par laquelle il informait Marchand de la victoire d’Omdurman et de son arrivée à Fachoda. Le chef de la mission, accompagné du capitaine Germain, se rendit à son bord. « Rien ne peut surpasser, dit Kitchener, l’urbanité et la courtoisie des officiers français dans ces délicats pourparlers. » Il est juste de reconnaître que le général en chef, de son côté, se montra plein de tact et n’abusa pas de la supériorité de ses forces. Les Anglo-Égyptiens étaient dix contre un. Ils auraient pu, malgré la bravoure de la troupe française, l’expulser militairement et substituer le drapeau anglo-égyptien au drapeau français. Kitchener y était tacitement autorisé, car ses instructions portaient qu’aucun acte de sa part ou de la part de ses lieutenants ne devait impliquer une reconnaissance quelconque des prétentions de la France dans la vallée du Nil. Il se borna à arborer le drapeau anglo-égyptien dans le voisinage du dra-