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LA REVUE DE PARIS

s’il fallait compter uniquement sur le vent pour transporter le pollen sur le pistil, la fécondation de la plupart des fleurs resterait problématique ; elle serait en outre à peu près impossible pour les plantes qui, comme le muflier, ont la corolle normalement fermée. Darwin l’a compris : ce sont les insectes qui, butinant de fleur en fleur, transportent de l’une à l’autre le pollen indispensable ; ce sont eux qui prennent la peine d’ouvrir la fleur du muflier pour y introduire la substance fécondante. Ainsi, la beauté de la fleur est utile ; elle attire l’insecte fécondateur. Si la beauté du paon mâle a été développée au cours des générations par le choix amoureux des paons femelles, c’est l’amour du papillon pour la rose qui a développé la beauté de la rose et son parfum.

La plupart des plantes sécrètent une liqueur sucrée ; cette sécrétion se fait parfois au moyen de glandes placées à la base des stipules chez quelques légumineuses, et sur le revers des feuilles du laurier commun. Les insectes recherchent avec avidité cette liqueur, qui se trouve toujours en petite quantité, mais leur visite n’est d’aucun avantage pour la plante. « Or, supposons, dit Darwin, qu’un certain nombre de plantes d’une espèce quelconque sécrètent cette liqueur ou ce nectar à l’intérieur de leurs fleurs. Les insectes en quête de ce nectar se couvrent de pollen et le transportent alors d’une fleur à l’autre. Les fleurs de deux individus distincts de la même espèce se trouvent croisées par ce fait ; or, le croisement engendre des plants vigoureux qui ont la plus grande chance de vivre et de se perpétuer. Les plantes qui produiraient les fleurs aux glandes les plus larges et qui, par conséquent, sécréteraient le plus de liqueur seraient plus souvent visitées par les insectes et se croiseraient le plus souvent aussi ; en conséquence, elles finiraient, dans le cours du temps, par l’emporter sur toutes les autres et par former une variété locale. Les fleurs dont les étamines et les pistils seraient placés, par rapport à la grosseur et aux habitudes des insectes qui les visitent, de manière à favoriser, de quelque façon que ce soit, le transport du pollen, seraient pareillement avantagées. » Ainsi, lorsqu’une plante, grâce à ses développements successifs, est de plus en plus recherchée par les insectes, ceux-ci, portent inconsciemment le pollen de fleur à