Page:Revue de Paris - 1901 - tome 5.djvu/623

Cette page a été validée par deux contributeurs.
615
DARWIN

tion des organes les plus complexes aux fonctions les plus diverses ; il est, en effet, fort compréhensible que, sous l’influence de la sélection naturelle, les individus qui présentent un caractère utile dans des conditions données l’aient emporté sur d’autres individus dépourvus de ce caractère utile ; c’est ce que Darwin appelle la fixation des caractères utiles par sélection naturelle.

Les êtres que nous voyons vivre tous les jours sont admirablement coordonnés ; ils possèdent des organes merveilleusement disposés pour accomplir toutes les fonctions utiles à la conservation de la vie ; leur mécanisme est si compliqué que, lorsqu’on les regarde pour la première fois sans notions scientifiques profondes, on ne peut s’empêcher de considérer ces machines si précises comme l’œuvre d’un constructeur infiniment habile ; de là est né le dogme de la création. Ces êtres, dit Darwin, sont le résultat d’une évolution progressive ; ils dérivent d’êtres plus simples qui dérivent eux-mêmes d’êtres plus simples, et ainsi de suite, en remontant indéfiniment jusqu’aux êtres les plus simples que l’on puisse concevoir. Jusqu’ici, c’est la théorie transformiste dans toute sa généralité ; ce qui est propre à Darwin, c’est l’interprétation de cette évolution progressive. Tous les caractères de complication qui font de la machine animale une chose si merveilleuse ont apparu successivement, par hasard, dans la série des ancêtres de l’animal considéré ; chacun de ces caractères, étant apparu fortuitement, a été naturellement fixé par la sélection parce qu’il était utile.

Vous constatez, par exemple, que l’homme possède des mains qui sont très commodes pour la préhension. Sans doute, dit Darwin : puisque ces appendices sont commodes, il est tout naturel qu’ils existent ; pour qu’un organe existe, il faut qu’il soit ou qu’il ait été au moins une fois, dans le cours des temps géologiques, utile à l’espèce qui le possède.

C’est ici l’endroit périlleux du darwinisme. Il est évident que, par ce point, il se rapproche du finalisme ; car, de dire que l’homme a des mains pour prendre les objets dont il a besoin, ou que l’homme a des mains parce que cela est commode pour prendre les objets dont il a besoin, c’est tout un, et la constatation de l’utilité d’un caractère satisfait également