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XX

LE LOGEMENT DE GREAT PORTLAND STREET


Kemp, un moment, demeura silencieux ; il regardait fixement le dos de ce corps sans tête qui semblait appuyer le front aux vitres. Puis il tressaillit, comme frappé d’une pensée soudaine ; il se leva, saisit le bras de l’homme invisible et le força de se retourner.

— Vous êtes fatigué, lui dit-il, et, tandis que je reste assis, vous vous promenez… Prenez mon fauteuil…

Il se plaça lui-même entre Griffin et la fenêtre la plus voisine.

Griffin s’assit ; au bout d’une minute il reprit brusquement :

— J’avais déjà quitté le collège de Chesilstowe quand cela s’est passé. C’était le dernier jour de décembre. J’avais pris une chambre à Londres, une grande chambre non meublée, dans une grosse maison de rapport, mal tenue, dans une impasse de Great Portland Street. La pièce fut bientôt remplie de tout le matériel acheté avec l’argent du vieux. Mon travail allait toujours, avec suite, avec succès, approchant de plus en plus de la fin. J’étais comme un homme qui, à la sortie du bois, tomberait tout à coup dans quelque tragédie ab-