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Kemp traversa la pièce et ramassa les morceaux du verre brisé ; puis debout, avec des éclats dans la main :

— On a publié dans les journaux toute votre affaire, dit-il, tout ce qui est arrivé, soit à Iping, soit au bas de la colline. Le monde est averti qu’il y a un citoyen invisible ; mais nul ne sait que vous êtes ici.

L’autre lâcha un juron.

— Oui, reprit le docteur, le secret est découvert. Je comprends que c’était un secret… J’ignore quels sont vos projets ; mais, bien entendu, je suis désireux de vous servir.

L’homme invisible s’assit sur son lit.

— Le déjeuner est servi là-haut, — ajouta Kemp, d’un ton aussi aisé que possible.

Il fut ravi de voir que son hôte bizarre se levait volontiers, et il monta devant l’étroit escalier qui menait au belvédère.

— Avant tout, dit Kemp, je voudrais bien en savoir un peu plus long sur votre invisibilité.

Il s’était assis, après un regard impatient jeté par la fenêtre, de l’air d’un homme qui veut causer. Les doutes qu’il avait eus la veille sur la réalité de l’aventure ne lui revinrent que pour s’évanouir de nouveau quand il regarda l’endroit où s’était assis Griffin, devant la table : une robe de chambre sans tête, essuyait des lèvres qu’on ne voyait pas, avec une serviette soutenue miraculeusement.

— C’est bien simple, — répondit Griffin, en posant sa serviette à côté de lui.

— Pour vous, sans doute ; mais…

Et Kemp se mit à rire.

— Oui, certainement, à moi-même, cela me semblait d’abord merveilleux. À présent, bon Dieu !… Mais nous allons faire de grandes choses !… Je m’occupai de la question, pour la première fois, à Chesilstowe.

— À Chesilstowe ?

— J’y étais en quittant Londres. Vous savez que j’ai abandonné la médecine pour me consacrer à la physique ? Non, vous ne le saviez pas. Eh bien, c’est ainsi. L’étude de la lumière m’attirait.

— Ah !