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déclarait M. Marvel. Certains détails nouveaux étaient ajoutés à l’histoire d’Iping, notamment la rupture du fil télégraphique. Mais rien qui pût jeter quelque lumière sur les relations de l’homme invisible et du vagabond, car Marvel n’avait donné aucun renseignement ni sur les trois livres qu’il portait ni sur l’argent dont ses poches étaient pleines. Le ton sceptique avait disparu, et une nuée de reporters et d’enquêteurs était déjà à l’œuvre, travaillant le sujet avec soin.

Kemp lut tout ce qui avait trait à l’affaire et envoya la femme de chambre lui chercher tous les journaux qu’elle trouverait. Ceux-là, de même, il les dévora.

— Il est invisible ! Et il a des colères qui tournent à la folie furieuse !… Quelles choses il peut faire !… Et dire qu’il est là-haut, libre comme l’air ! Quel parti prendre ?… Par exemple, serait-ce lui manquer de parole si… Non ! »

Il alla vers un petit pupitre en désordre, dans le coin, et commença une note. À moitié faite, il la déchira et en écrivit une autre. Il relut celle-ci, la regarda en réfléchissant ; puis il prit une enveloppe et l’adressa au « colonel Adye, à Port-Burdock ».

L’homme invisible se réveilla juste au moment où Kemp en était là. Il se réveillait en méchantes dispositions : Kemp, attentif au moindre bruit au-dessus de sa tête, entendit tout à coup des pas pesants se précipiter à travers la chambre à coucher. Puis, une chaise fut renversée, le verre du lavabo fut brisé : Kemp se hâta de grimper l’escalier et frappa vivement à la porte.


XIX

PREMIERS PRINCIPES


— Eh bien, qu’est-ce qu’il y a donc ? demanda Kemp lorsque son hôte lui eut ouvert.

— Rien…

— Mais, que diable ! Pourquoi ce vacarme ?

— Simple accès de mauvaise humeur, — répondit l’homme invisible. — Je ne pensais plus à mon bras, et il me fait mal.