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la route de l’exil

a rassuré la foule qui s’est dispersée à l’heure du dîner. Les symptômes inquiétants se multiplient, la garde nationale a remplacé les troupes de ligne dans tous les postes des Tuileries, qui sont doublés partout, et nous avons été avertis de nous tenir prêts à partir pour Saint-Denis si cela devient nécessaire. Nous attendons les événements. Tout le monde est encore dans l’ignorance des projets du roi.


19 mars, à neuf heures du soir. — Ce soir, l’ordre a eu lieu comme à l’ordinaire, et tout était calme autour du château, quoique les appartements des Tuileries fussent remplis de monde ; les curieux et les fidèles, tout ce qui avait la possibilité d’entrer, se trouvait là venant aux nouvelles. On dit tout bas que Napoléon s’approche de Paris et qu’il sera demain à Fontainebleau ; le départ est imminent maintenant, cela ne fait plus de doute ; je le tiens du prince de Poix, capitaine des gardes de service, mais aucun ordre n’est encore donné. Toute la journée les compagnies sont restées consignées, ainsi que les mousquetaires, avec les chevaux bridés et scellés, attendant des instructions qui ne sont pas venues.

Le comte de Virieu, sous-lieutenant des gardes du corps, vient de rentrer à l’Ecole militaire avec ses hommes. Les nouvelles qu’il apporte sont désastreuses. Un détachement composé de dix gardes bien montés et choisis dans chaque compagnie avait été mis sous ses ordres, pour aller, avec une partie des escadrons de guerre de la maison du roi, se joindre aux troupes de toutes armes réunies sous les ordres de monseigneur le duc de Berry, à son quartier général. Après s’être rendu au poste qui lui était désigné, M. de Virieu voulut pousser une reconnaissance sur la route d’Auxerre ; mais ce matin, au pont de Montereau, un brigadier, M. de Javel, détaché aux fourrages avec deux gardes du corps, a été brusquement attaqué par le 6e lanciers et fait prisonnier. Tout ce régiment, en effet, en apprenant la marche de Napoléon, a forcé le détachement des gardes à rétrograder et s’est emparé de Montereau. Virieu alors est revenu à l’école militaire, et il est convaincu que, après son départ, les troupes du camp de Villejuif ont dû prendre la cocarde tricolore. Après ce qui vient de se passer, on peut s’attendre à tout.