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la revue de Paris

en revue à midi, mais c’est à cinq heures du soir seulement que Sa Majesté est arrivée. Le roi est passé, selon sa coutume, au grand galop dans sa calèche devant le font des troupes, puis est rentré au château. On a beaucoup crié : « Vive le roi ! » et Sa Majesté paraissait contente et satisfaite. On lui a fait le plus chaleureux accueil, mais c’était chose prévue, car personne n’a jamais songé à suspecter la fidélité des compagnies nobles.

C’était aujourd’hui le dimanche des Rameaux, et le temps qui s’était éclairci dans l’après-midi avait invité un grand nombre de gens à sortir de chez eux pour venir aux nouvelles ; aussi le roi à son retour a-t-il trouvé les alentours des Tuileries remplis de monde. On a annoncé depuis le matin, à diverses reprises, que le maréchal Ney a abandonné la cause de Bonaparte. Cet espoir avait redonné du courage à beaucoup ; mais vers le soir la nouvelle a été démentie. On dit que, pendant la revue, des dépêches alarmantes, qu’on cache, sont arrivées : j’ai su du reste de divers côtés que la situation empire de plus en plus. Napoléon est entré à Auxerre, de tous côtés les soldats arborent la cocarde tricolore et sortent les aigles qu’ils tenaient cachées dans leurs sacs. Un grand nombre de ceux qui ne l’ont pas encore ne dissimulent pas leur sympathie pour l’ex-empereur ; et peu à peu les fleurs de lys disparaissent des shakos. Assurément on ne veut aucun mal au roi, mais on ne tirera pas sur « le Père la Violette », comme on se plaît à l’appeler, et, si elles se trouvent en contact, on risque fort de voir les troupes restées fidèles se joindre aux soldats passés à Bonaparte. Les nouvelles des casernes ne sont guère rassurantes ; les troupes sont encore retenues par le sentiment du devoir, mais elles n’ont certainement ni entraînement ni enthousiasme.

La Chambre s’est réunie en comité secret ; chacun fait ses préparatifs pour être prêt a quitter Paris si les événements se précipitent.

Le bruit du départ de Sa Majesté court avec tant de persistance que le Moniteur, ce matin, s’est cru obligé de le démentir. En voyant stationner les voitures dans la cour, beaucoup s’imaginaient que le moment était arrivé, d’autant plus qu’il y a au château nombre d’allées et venues ; cependant, vers sept heures ce soir, on a rentré les carrosses et cela