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la route de l’exil

m’a été possible ou permis de le faire, mais je n’estime point que le licenciement m’ait rendu ma liberté d’action. On a beau me répéter qu’il est bien différent d’avoir aidé à la réussite de l’entreprise de Napoléon ou de se soumettre aux événements acquis, je ne me laisse pas convaincre, et c’est en vain que l’on me répète que même en changeant de maître on sert toujours sa patrie. Je croirais m’avilir et manquer à l’honneur en écoutant de pareilles suggestions, et mon plus vif désir est d’aller rejoindre les princes. Si j’ai servi mon pays pendant la République et l’Empire, j’ai toujours soigneusement borné mes services à mon état, et c’est à la pointe de mon épée que j’ai gagné tous mes grades. Ma liberté de conviction reste donc entière, car ni moi ni aucun des miens n’avons pris part à aucun mouvement politique. Grâce à Dieu, ma belle-mère et tous nos parents à Paris pensent comme moi et ne me reprocheront pas en sacrifiant ma personne de sacrifier aussi ma famille. La résistance ne sera pas pardonnée, mais je fais bien volontiers le sacrifice de mon avenir et de notre fortune pour rester fidèle à ma foi.

18 avril. — Avant-hier dimanche, Napoléon a passé la revue de la garde nationale ; cette revue avait été remise déjà à plusieurs reprises tant les hommes faisaient défaut, mais l’enthousiasme n’a pas augmenté, parait-il, et les douze légions n’étaient rien moins que nombreuses ; on n’y voyait guère, m’a-t-on dit, que des employés du gouvernement qui craignaient une disgrâce en s’abstenant de paraître. Il y avait même des compagnies composées tout au plus de six ou sept hommes. Bonaparte a passé au galop devant le front des troupes qui ont ensuite défilé devant lui, mais il y a eu peu d’acclamations, bien que Napoléon ait annoncé qu’il rendait les décorations accordées par le roi. On a remarqué son air sombre et maussade. Gela ne ressemble guère à l’accueil fait au roi à la dernière revue du g mars.

20 avril. — Le duc d’Angoulême s’est embarqué le 16 avril à Cette, avec une suite de dix-sept personnes, sur un vaisseau suédois qui l’a transporté en Espagne ; après avoir remporté quelques succès et espéré ramener à la bonne cause le Midi