Page:Revue de Paris - 1900 - tome 6.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée
21
la route de l’exil

tout heureux. Nous le serions aussi si nous étions dans une position ordinaire.

13 avril. — Nous vivons tout à fait retirés et l’économie la plus stricte préside à tous mes arrangements. Satisfait de voir les miens en sûreté et d’être inconnu ici. je sors le moins possible pour ne pas éveiller l’attention. Le décret du 20 mars paru au Moniteur exile à trente lieues de Paris les officiers de la maison civile et militaire du roi et ceux des volontaires royaux ; heureusement, personne ne nous connaît. Les enfants et Amélie vont bien ; mais je souffre cruellement de la privation de nouvelles, qui me parviennent difficilement. Je viens d’apprendre qu’une dépêche arrivée de Lyon il y a trois jours annonçait que le duc d’Angoulême avait été battu par Grouchy qui l’a fait prisonnier. Les derniers espoirs s’évanouissent.

15 avril. — On fait courir sur Carnot un triolet fort réussi, à propos du titre que lui a imposé l’Empereur : Connaissez-vous monsieur Carnot ? C’est un républicain farouche ; L’Egalité, voilà son lot. Connaissez-vous monsieur Carnot ? Mais on l’apaise par un mot, Un seul mot lui ferme la bouche ; Appelez-le : comte Carnot.

Le lendemain, en effet, de sa nomination au ministère de l’intérieur, il a reçu, à son vif mécontentement, le titre de comte, qui ne cadre guère avec ses idées égalitaires et dont il sent tout le ridicule. Depuis qu’il est au pouvoir, il a pourvu de préfectures et de situations importantes dans l’administration publique nombre de gens sans aveu, dont le seul titre à les mériter est d’avoir pondu d’indignes pamphlets ou de violentes diatribes contre le roi et les princes. Il parait qu’aux Tuileries l’Empereur a remonté sa maison comme par le passé : il y a messe en musique tous les dimanches et représentation théâtrale toutes les semaines. Tout l’ancien personnel impérial a repris sa place ; le roi Joseph est arrivé le 23 mars, il est logé au Palais-Royal ; le roi