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la revue de Paris

8 avril. — Depuis plusieurs jours je cherche un asile où je puisse être en sûreté avec ma femme et mes enfants ; je me trouve trop exposé en restant chez moi, quelque précaution que je prenne pour rester ignoré. On m’a indiqué hier une maison de campagne avec un grand jardin dans le département de Seine-et-Marne, qui semblerait nous convenir, car l’endroit est des plus isolés. Je puis faire mon deuil de mes chevaux ; par un ordre daté d’avant-hier, Bonaparte les a fait prendre tous sans vouloir admettre que personne de la Maison eût le droit de les conserver. Il a exprimé son mécontentement du petit nombre de chevaux rentrés.


10 avril. — J’ai loué hier la maison en question à raison de mille francs par an, dont j’ai payé la moitié d’avance. Cette petite habitation se trouve à Brou, entre Chelles et Lagny ; nous partons aujourd’hui. Je n’ai pas voulu chercher plus longtemps et me suis empressé de prendre ce qu’on m’avait indiqué, car le temps pressait, et chaque quart d’heure écoulé était un retard pernicieux. Nous aurons l’avantage d’être dans un pays tranquille, chez de très braves gens et dans un département dont nous connaissons le préfet. Mon propriétaire s’appelle M. Guibert ; je crois n’avoir rien à craindre de lui. Il me restera toujours la ressource de m’adresser au duc de Gaëte si je me trouve dans une trop mauvaise position, et d’ailleurs je crois pouvoir compter aussi sur le ministre de la police. Je me fais adresser mes lettres chez M. Michel, place Vendôme, qui les remettra à ma belle-mère[1], rue de Vendôme, n° 17. Elle me les fera parvenir. On ne peut lire dans l’avenir et il est impossible aujourd’hui de former des conjectures, mais après ce que nous avons vu, il peut arriver ce que l’on imagine de plus incroyable.


11 avril. — Le duc d’Angoulême, qui avait eu un brillant succès le 2 avril à Loriol et était entré le même jour à Valence, a éprouvé un revers trois jours plus tard ; la plus grande partie de ses troupes a passé à l’ennemi et il a dû évacuer la ville. Nous sommes ici parfaitement, le site est délicieux et mes enfants

  1. Henriette Bénédictine du Liège, comtesse de Fromont.