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la route de l’exil

il est revenu d’un air modeste avec sa poudre, sa queue et sa coiffure à l’oiseau royal, et, s’il n’était si singulièrement entouré, on pourrait croire qu’il n’a jamais quitté la place ; mais quels singuliers collaborateurs on lui a donnés : Carnot à l’intérieur, le duc d’Olrante à la police, le maréchal Davout à la guerre, le duc Decrès à la marine et Caulaincourt aux affaires étrangères !

Le duc de Bourbon avait été envoyé le 13 mars comme gouverneur général des divisions militaires de l’Ouest ; il se flattait que la Vendée, le Maine et l’Anjou se lèveraient au premier appel, mais c’était, hélas ! de pures illusions ; le 26, il a dû quitter pendant la nuit Beaupréau où il s’était réfugié, il a gagné les Sables-d’Olonne et s’est embarqué pour Santander.


7 avril. — On espère encore du gouvernement provisoire installé à Toulouse par le duc d’Angoulême avec M. de Damas et M. de Vitrolles ; malheureusement, si la population l’accueille avec enthousiasme, les troupes continuent à lui témoigner la même froideur. Il paraît qu’à Nîmes l’argent qu’il a distribué aux soldats leur a servi à boire à la santé de l’Empereur et que des colonels ont refusé pour leurs officiers les croix que le prince leur offrait.

Le 29 mars, pourtant, il est entré à Montélimar ; son armée est déjà nombreuse et se renforce tous les jours de volontaires qui sont très nombreux dans le Midi ; la basse classe donne beaucoup, et le peuple, qui est très religieux, est en même temps très royaliste. Le prince espère arriver à reprendre Lyon, que Bonaparte a laissé très dégarni de troupes. On donne le nom de Miquelets à ces jeunes volontaires qui sont très convaincus, mais très exaltés, et qui inspirent une grande frayeur. Presque partout ailleurs les nouvelles sont désastreuses : le maréchal Suchet a proclamé l’Empire à Strasbourg et le duc de Bellune a dû s’enfuir en Belgique, tout son corps d’armée ayant passé à Napoléon. En Bretagne, lorsque le duc de la Trémoille est allé à Rennes sur l’ordre du duc de Bourbon pour y lever des volontaires, il n’a trouvé que des troupes et une population appelant l’Empereur de tous leurs vœux.