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la revue de Paris

c’est en vain que la princesse est allée elle-même dans chaque caserne pour lui rappeler ses serments. Le général Clauzel[1] est entré à Bordeaux, et la duchesse d’Angoulême a dû s’éloigner en toute hâte pour ne pas devenir sa prisonnière. Lorsqu’elle s’est embarquée à Pauillac sur le petit bâtiment qui devait la conduire en Angleterre, ses fidèles lui ont demandé comme dernière grâce avant de la quitter quelque chose qui lui eut appartenu, de quelque peu de valeur que ce put être. Elle leur a distribué les fleurs et les rubans qui ornaient sa coiffure, et ils se les sont pieusement partagés.

Voilà donc passée à l’Empereur la première ville qui ait arboré l’an dernier le drapeau blanc, et qui, il n’y a pas un mois, en célébrait l’anniversaire !

Quant au général Clauzel, il y a quelques mois seulement qu’il a été nommé par le roi grand-croix de la Légion d’honneur, inspecteur général d’infanterie, et qu’il a fait à Toulouse au duc d’Angoulème une réception fastueuse.

De pareilles trahisons sont écœurantes.


5 avril. — Il paraît que Sa Majesté a connu la résolution du congrès de Vienne dans la nuit qui a précédé son départ de Lille ; cette nouvelle de l’armement de toute l’Europe contre Bonaparte a grandement satisfait le roi. Comment, en effet, pouvoir supposer qu’il pourrait résister à d’aussi grandes forces au milieu des divisions qui partagent la France, et qu’il a maintenant à se défendre non seulement contre le dedans, mais encore contre le dehors ?


6 avril. — Le duc de Gaëte a repris le portefeuille des finances ; on ne peut le lui reprocher, puisque, l’an dernier, il s’est retiré à l’écart et, depuis, n’a guère quitté Vic-sur-Aisne ;

  1. Bertrand, comte Clauzel, né en 1772 à Mirepoix (Ariège), mort en 1842. Engagé volontaire en 1791, il conquit rapidement tous ses grades et fit preuve des plus grandes capacités. Louis XVIII l’avait nommé inspecteur général d’infanterie, chevalier de Saint-Louis et grand officier de la Légion d’honneur, mais Clauzel, oubliant ses nouveaux serments, se rallia à l’Empereur. Compris par le roi dans l’ordonnance de 1815 à la deuxième Restauration, il se réfugia en Amérique d’où il ne revint qu’après l’amnistie de 1820. Député de Rethel en 1827, puis gouverneur général de l’Algérie en 1830, il fut nommé maréchal de France par le roi Louis-Philippe.