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la revue de Paris

Colette, fort inquiète, et j’apprends que Jacques est à Paris. Il devait revenir hier soir, je me décide à l’attendre. Nous sommes inquiets de ce retard, quoique sa situation de receveur général des finances doive le mettre en dehors des événements politiques.


31 mars, quatre heures. — Il est près de quatre heures. Jacques n’est pas encore arrivé ; je tiens pourtant absolument à le voir et à le consulter, surtout à son retour de Paris où il aura vu Amélie et où il pourra m’informer de tout ce qui doit me guider dans ma conduite. Je reste donc jusqu’à demain à cinq heures du matin et partirai pour Paris par Saint-Germain. Il me tarde d’embrasser ma femme et mes enfants, et je suis bien impatienté d’être obligé d’éloigner de deux jours ce plaisir-là. Heureusement, mon frère Lolo[1] les a vus il y a trois jours, et tous allaient bien.


1er avril. — Nous parlons pour Paris par la diligence sans avoir vu arriver Jacques. En arrivant je cours à son hôtel et j’apprends qu’il est parti il y a quelques heures pour rentrer à Rouen. Il était resté à Paris une demi-journée de plus dans l’espoir de me voir arriver. Mais il a pris un autre chemin, et nous nous sommes croisés en route. J’apprends par une lettre de M. d’Aigremont[2] que mes chevaux ont été arrêtés à Amiens, et je doute fort que je puisse parvenir à me les faire rendre. C’est en vertu des ordres donnés par le chef de bataillon Rey, aide de camp de Bonaparte, que cela a eu lieu. Mes deux domestiques, pris de peur, sont partis sans rien dire à personne, et M. d’Aigremont a fait placer mes chevaux dans le quartier du 5e de lanciers, où ils sont soignés.

Il me dit qu’il n’a pas trouvé de meilleur moyen de me les conserver, car ils auraient indubitablement été enlevés sur la route par les traînards des corps qui prennent tout ce qu’ils

  1. Louis de Reiset, capitaine de dragons, chevalier de Saint-Louis, officier de la Légion d’honneur (1799-1852).
  2. Le baron d’Aigremont, maréchal de camp, embrassa tout jeune la carrière militaire et combattit glorieusement à Wagram, après avoir pris part aux principales campagnes de la Révolution et de l’Empire. Sa belle conduite en Espagne lui valut le grade de général. Il se rallia en 1811 à Louis XVIII, qui lui donna la croix de Saint-Louis.