Page:Revue de Paris - 1900 - tome 6.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
la revue de Paris

viens pour faire cesser ces violences, et je tâche de calmer ces malheureux dont je comprends si bien la peine ! On est contraint de fermer les portes de la ville, car un grand nombre veulent s’échapper. Quelques-uns y réussissent et se dirigent vers la frontière pour rejoindre les princes individuellement ou par petits groupes, avec leurs étendards auxquels ils ont juré fidélité. D’autres, au contraire, gardent une altitude menaçante, parlent d’assassiner Bonaparte et se répandent contre lui en imprécations.

Cependant le licenciement continue, les armes sont déposées chez le commandant de place, et les chevaux des gardes du corps, au nombre de cinq cents, sont dirigés avec leurs selles et leurs brides sur Arras. Le général Teste[1] avait quitté la ville, le 26, à midi, sur l’ordre du comte d’Erlon, pour se rendre à Béthune et y opérer le désarmement des gardes du corps, des gardes de la porte, des auxiliaires et des Cent Suisses. Dans la même journée toutes les troupes d’infanterie restées à Béthune, et comprenant la maison rouge presque tout entière, avaient été réunies sur la place, et on leur avait lu les adieux des princes, donnant lieu aux mêmes scènes de désespoir. Quant à l’artillerie des gardes du corps commandée par le général Digeon, on l’a envoyée directement d’Armentières à Lille avec les fourgons. Le général de Lauriston procède aux dernières opérations du licenciement des quatre compagnies, il distribue leurs passeports aux officiers, dont une partie se dirige sur Albert, petite ville située loin des routes que suivent les troupes. Deux petits corps sont ainsi formés, l’un de cent hommes à pied, l’autre de cent hommes montés. Beaucoup de gardes déclarent que leurs chevaux sont leur propriété personnelle et le général de Lauriston les autorise à les emmener. Enfin, je vise les feuilles de route qu’on vient de délivrer et chacun, étant libre, prend la direction qui lui convient.


28 mars. — Les officiers déjeunent tous ensemble une

  1. François-Antoine, baron Teste, né dans le Gard en 1775, et volontaire à dix-sept ans, devint général en 1805. Il fit avec honneur presque toutes les campagnes de l’Empire et joua un rôle particulièrement glorieux pendant la campagne de Russie et celle de 1813. À la Restauration, il obtint le commandement d’une subdivision à Arras, mais se rallia en 1815 à Napoléon dont il commanda l’arrière-garde après Waterloo. À la seconde Restauration, il fut mis en disponibilité.