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IV

Pessotzky et sa fille se querellaient souvent, et ils se disaient alors toute sorte de choses désagréables.

Un matin, après une de ces discussions, Tania fondit en larmes et se retira dans sa chambre. Elle ne descendit ni pour le dîner, ni pour le thé du soir. Yégor Sémionovitch, qui d’abord se promenait d’un air grave et mécontent, comme s’il eût voulu prendre chacun à témoin que la justice et l’ordre lui importaient plus que toute autre chose, perdit bientôt sa belle assurance. La mine abattue, il errait dans le parc et on l’entendait répéter en soupirant : « Ah ! mon Dieu, mon Dieu !... » A dîner, il ne put absolument rien manger. Enfin, se sentant coupable et tourmenté par le remords, le vieillard alla frapper à la porte fermée :

— Tania ! dis-moi, Tania ! appela-t-il doucement.

Mais de l’intérieur, une voix languissante, comme trempée de larmes, et ferme néanmoins, lui répondit :

— Laissez-moi tranquille, je vous en conjure.

L’humeur des maîtres se réfléchissait par toute la maison, jusque chez les ouvriers qui travaillaient au jardin. Kovrine qui, ce jour-là, s’absorbait dans un travail intéressant, finit, lui aussi, par se sentir mal à l’aise. Pour calmer un peu l’irritation générale, il résolut d’intervenir dans le conflit et, à la tombée du jour, il vint frapper à la porte de Tania. La jeune fille lui ouvrit :

— Oh ! oh ! que c’est honteux ! — commença-t-il sur le ton de la plaisanterie en voyant, à sa grande surprise, le visage rougi par les larmes et la mine désolée de la jeune fille. — Est-ce vraiment si sérieux ?

— Si vous saviez seulement comme il me tourmente ! — lui dit Tania ; et des larmes, de grosses larmes chaudes jaillirent de ses larges yeux. — Me voilà dans un bel état ! — poursuivit-elle en se tordant les mains. — Moi, je ne lui ai rien dit, rien du tout... J’ai insinué seulement qu’on