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seignements pour le fixer exactement font défaut. Il ne peut, dans tous les cas, être inférieur à deux millions, chiffre obtenu en multipliant le nombre de clubs enregistrés par une moyenne de membres assez basse pour être vraisemblable. C’est cette jeunesse universelle dont il s’agit de grouper périodiquement les représentants sur le plus pacifique des champs de bataille, le champ de jeu. De quatre ans en quatre ans, le vingtième siècle verrait ainsi ses enfants se réunir successivement près des grandes capitales du monde pour y lutter de force et d’adresse et s’y disputer le rameau symbolique. Oh ! sans doute il y a beaucoup d’obstacles à franchir pour en arriver là ; il y a, nous venons de le voir, les coutumes, les traditions, les instincts de race et toutes les particularités que la vie sportive emprunte au climat, à la législation, aux circonstances… Mais notez bien qu’il n’est pas nécessaire de renoncer à tout cela : il n’y a qu’à consentir, çà et là, quelques sacrifices de détail et à faire montre d’un peu de bonne volonté envers le Comité international qui va entreprendre cette grande œuvre et tenter, en six ans, de la mener à bien.

Modernes, très modernes, seront ces jeux olympiques restaurés : il n’est pas question de se vêtir de maillots roses pour courir dans un stade de carton ; et ceux qui entrevoient déjà les théories blanches gravissant solennellement, aux sons retrouvés de l’Hymne à Apollon, quelque colline sacrée, ceux-là en sont pour leurs frais d’imagination. Point de trépieds, ni d’encens : ces belles choses sont mortes et les choses mortes ne revivent pas ; l’idée seule peut revivre, appropriée aux besoins et aux goûts du siècle. De l’antiquité nous ne prétendons rétablir qu’une chose, la trêve, la trêve sainte !… que consentaient les nations grecques pour contempler la jeunesse et l’avenir.

pierre de coubertin.