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28 millions 500.000 dollars. Le 30 novembre dernier, cinquante mille personnes se pressaient sur le Manhattan field, à New-York, pour assister au match annuel de foot-ball entre les universités de Yale et de Princeton. En face des tribunes, sur un grand tableau noir, venaient s’inscrire de demi-heure en demi-heure les résultats des parties engagées sur d’autres points du territoire yankee. Le dernier jeudi de novembre est, sous le nom de Thanksgiving Day, une fête nationale aux États-Unis : on la célèbre de préférence en jouant au foot-ball, ce qui est une manière de la célébrer que les puritains n’avaient certes pas prévue quand ils l’instituèrent. À Boston, les universités d’Harvard et de Philadelphie — à Washington, l’université de Georgetown et le Columbia Athletic Club — à Chicago, l’université d’Ann Arbor et celle de Chicago — à Richmond, les universités de Virginie et de la Caroline du Nord — à San-Francisco les universités de Californie et de Palo-Alto mettaient en présence, ce jour-là, leurs meilleurs joueurs et tous ces noms, trop rarement prononcés en Europe, se succédaient sur le tableau noir, au reçu des télégrammes. C’était bien là de l’olympisme moderne…

Des États-Unis le sport est revenu en Europe ; il a pris pied en France, en Belgique, en Hollande, en Allemagne ; il s’attaque maintenant à la Hongrie, à l’Italie, à l’Espagne. Sur toutes les rivières glisse la légère embarcation de course, l’outrigger, avec son banc à coulisses, ses portants et ses grands avirons démesurés ; sur toutes les routes court la bicyclette endiablée renversant les bourgeois et les préjugés ; et le foot-ball, incompris, décrié, vilipendé, force la porte de tous les collèges que ses détracteurs sont impuissants à lui fermer. Le même soleil, dans son cours de vingt-quatre heures, éclaire une course à l’aviron en Australie, une partie de foot-ball au Lycée de Concepcion de l’Uruguay et la voiture du président Kruger se rendant, à Pretoria, à l’inauguration de je ne sais quel monument, sous l’escorte de quatre-vingts bicyclistes.

Cela ne se fait point sans lutte, cette conquête, ou du moins sans protestation de la part de l’envahi ; il y a des intérêts froissés, des titres méconnus. Le patriotisme même semble lésé ; certains considèrent le sport comme le produit de la