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teur, le système de Ling. Je me hâte de dire qu’entre Ling et le patin, c’est assurément le patin qui aurait le plus de titres à la reconnaissance des Suédois ; leur bonne santé, ce suave équilibre de l’âme et du corps qui les distingue, cette humeur tranquille, ce souffle régulier de la vie qui les anime, ils s’en croient redevables au savant docteur et je n’hésite pas à en faire honneur pour eux aux courses folles sur la glace unie du Nord, aux joies saines de l’hiver scandinave.

Cela ne signifie pas que cette gymnastique suédoise qui tente de fonder timidement quelques colonies en Allemagne, à Londres, à New-York, soit dénuée de mérites. Par la modération de ses mouvements, elle convient aux enfants délicats comme aux vieillards. Par son caractère scientifique, elle est applicable aux malades. Ses ingénieux procédés visent surtout à doser et à localiser l’exercice, et les médecins qui les appliquent ne craignent pas de se voir aux prises même avec des maladies de cœur. Les résultats sont excellents et, depuis plus d’un demi-siècle, les Suédois ne se lassent pas d’aller chercher la santé dans leurs « Instituts ». Mais une gymnastique qui répudie l’effort et l’émulation convient-elle aux bien portants ? L’effort ne s’obtient, dans le système suédois, que par l’amplitude, jamais par l’énergie du mouvement : on l’atteint lentement, jamais brusquement ; et quant à l’émulation, c’est un dogme là-bas, que les hommes ne doivent pas se comparer entre eux, mais seulement à eux-mêmes. Une telle gymnastique peut-elle prétendre à l’exercice du pouvoir dans l’empire des jeunes ?

Non, répondront sans hésiter les Anglais et avec eux tous ceux qui croient que, s’il est noble et beau de s’entraîner pour la guerre, s’il est louable et sage de songer à l’hygiène, il est plus parfaitement humain de rendre à l’effort un culte désintéressé et de l’aimer rien que parce qu’il est l’effort !

C’est bien ainsi que l’entendaient le chanoine Kingsley et ses disciples dont les noms ne sont pas encore descendus très avant dans le passé : car l’athlétisme anglais ne date que d’hier, bien que déjà il envahisse le monde. Les premiers ouvriers de cette renaissance physique s’inquiétaient moins de faire école que de se procurer à eux-mêmes de saines jouis-