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le rétablissement des jeux olympiques

J’ai dit que la gymnastique allemande était énergique dans ses mouvements. À cette seule condition, elle est efficace. Or, pour que cette énergie se maintienne, il faut que les gymnastes demeurent dans un « état d’âme » belliqueux. L’idée de la guerre ne doit pas cesser de les hypnotiser. Le jour où l’Allemagne se détachera de cette idée, ses innombrables sociétés de gymnastique se transformeront rapidement. Déjà, sur quelques points de son territoire, le sport a fait son apparition, résultat de vingt années de paix intérieure et extérieure. Le jeune athlète commence à envisager l’effort physique en lui-même et non dans ses conséquences plus ou moins lointaines. S’il veut sauter une haie, il se fait le plus léger possible, afin de la sauter aussi haute que possible. Son frère, le gymnaste, s’inquiétait moins d’accomplir une prouesse athlétique que de s’entraîner avec armes et bagages. De même, s’ils ne sont plus inspirés par la perspective de la grande lutte, les mouvements d’ensemble deviennent fastidieux, les gestes se font mous ; on les esquisse à peine : l’âme est absente. De même encore, la course en section se désagrège ; les coureurs reprennent leur individualité ; ils ne se préoccupent plus d’aller bien ensemble, d’un pas égal : c’est à qui ira le plus vite, à qui arrivera le premier.

Au point de vue physique, la gymnastique allemande est artificielle : elle se compose d’exercices qui n’ont pas en eux-mêmes leur raison d’être, qui ne sont pas dans la nature et qu’on ne peut obtenir des hommes qu’en leur présentant pour but de leurs efforts quelque perspective grande, noble, susceptible de les émouvoir et de les passionner. C’est là ce qui a fait son succès : c’est là ce qui, demain sans doute, causera son déclin sur les rives de la Sprée. Mais il n’est pas dit que nos enfants ne la verront pas refleurir en d’autres régions. Dans tous les cas, elle aura toujours chance de germer là où il y aura de grandes ambitions nationales à satisfaire, des revanches à prendre ou un esclavage à briser.

Tout autre paraît être l’avenir réservé à la gymnastique suédoise. Les Suédois sont un peuple heureux qui, depuis cent ans, a eu peu d’histoire et s’est livré, en paix, à un sport bienfaisant, le patinage, et à une gymnastique singulière et au premier abord anodine qu’on appelle du nom de son inven-