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Philon a pour eux plus grande admiration. Y avait-il des ascètes de ce genre en Égypte ? Cela est fort douteux ; mais Philon en rêvait, et c’est ce qui l’amena à composer ce traité de la Vie contemplative, dont la tournure est si singulière qu’on peut se demander s’il a pour fond quelque réalité[1].

« Après avoir parlé des esséniens, dit-il, qui aiment et pratiquent la vie active mieux que n’importe qui, je vais parler maintenant de ceux qui ont embrassé la vie contemplative… » La doctrine de ces philosophes apparait tout d’abord en leur nom. On les appelle thérapeutes, soit parce qu’ils font profession d’une médecine supérieure ne guérissant pas seulement les maladies du corps. mais encore celles de l’âme : soit parce qu’ils ont appris par l’étude de la nature et des saintes lois à servir l’Éternel. Ce sont les meilleurs et les plus heureux des êtres. Possédés de l’amour céleste, ils ressentent des transports qui ne s’apaisent que quand ils sont parvenus à voir l’objet de leurs désirs. Dans l’ardeur qui les porte vers cette vie immortelle et bienheureuse, et s’imaginant qu’ils en ont fini avec la vie mortelle, ils ouvrent eux-mêmes leur héritage et donnent ce qu’ils possèdent à leurs enfants, à leurs parents, à leurs amis. « Il faut, en effet, que ceux qui ont acquis les trésors de la vie intellectuelles laissent les biens qui aveuglent à ceux dont la pensée est encore enveloppée de ténèbres. »

Ce sont tous des gens de bonne naissance et de mœurs polies. Débarrassés de tous les soucis du monde, ils abandonnent frères. femme et enfants, et s’enfuient loin de leurs patrie et des lieux habités. Ils s’établissent hors des villes, dans des jardins ou des lieux solitaires, non par misanthropie, mais pour éviter les dangers de la société humaine. Ils n’ont pas d’esclaves, regardant l’esclavage comme contraire au droit naturel. « La nature nous a tous engendrés libres : les injus-

  1. Nous tenons pour certain que le traité Isp ! to Heo bacpytixos ízétmy zazov est de Philon. Le style, les pensées sont absolument du penseur alexandrin. Notez la haine contre les éranes (§§ 5-7), qui n’a plus de sens au iiie siècle. Les ascètes dont il est question dans la Vie contemplative sont des ascètes profondément juifs ; ils n’ont pas un seul trait spécialement chrétien. On voudrait songer à des bouddhistes ; impossible. Un pastiche philonien si bien réussi, au iiie siècle, serait un fait unique dans l’antiquité. Les faussaires ne s’appliquaient jamais à imiter le style de l’auteur à qui ils prêtaient des compositions apocryphes.