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napoléon et l’étiquette

que nul n’avait même l’idée qu’il put être régi d’après d’autres modeset que, durant des siècles, se révolter, c’était en appeler au roi du roi lui-même. Toute justice émanant de lui, il suffisait qu’il sût, pour que toute justice fut rendue par lui.

Au-devant du roi, comme un rempart, cette innombrable clientèle de gentilshommes, attachés à lui par tradition bien plus que par intérêt, obligés à servir dans les armées par devoir familial et par honneur de caste, tenant la fidélité si ordinaire et si unie qu’ils n’estimaient point qu’ils eussent à en parler et qu’ils eussent trouvé indigne d’en prêter serment : car ils étaient de même race que Fabert et, comme lui, pour le Roi, ils eussent mis à la brèche leur personne, leur famille et tout leur bien. Ils en ont témoigné par leur émigration, par leurs campagnes à l’armée de Condé, par Quiberon, par l’échafaud. Rien, chez aucun peuple, n’égale ce témoignage de toute une caste en faveur d’un gouvernement. Pour affirmer sa loi monarchique, la Noblesse a donné sa vie, elle a donné sa fortune, elle a donné le patrimoine de ses enfants, elle a souffert le froid, la faim, toutes les misères, des misères pour elle bien pires que la mort : elle a fait cela après des siècles entiers de domination et d’opulence, alors qu’on la croyait énervée par sa fortune, par une civilisation raffinée, par les mésalliances que, pour se soutenir, elle avait dû former. Pour la guérison des vices qu’elle avait pris, il avait suffi du devoir s’imposant net, ferme et clair : car, en elle, la surface seule était atteinte ; le cœur, sous l’habit de soie, était resté tel que sous l’armure, et l’Honneur n’y parlait pas en vain.

À côté de la Noblesse, le Clergé, apportant au roi, évêque de l’extérieur, cette force incommensurable d’une religion volontairement associée à la monarchie, ayant épousé ses prétentions, adopté ses principes, si intimement unie à elle que sa subordination au chef temporel était devenue, vis-à-vis du chef spirituel, la garantie de ses libertés. Nulle contestation par les prêtres sur l’origine du pouvoir civil, nulle discussion sur la forme dans laquelle il était exercé. Dieu même proclamé l’instituteur de la royauté et les actes du souverain tombant de la chaire de vérité presque pareils à des dogmes.