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drie[1]. Il était vieux alors : ce qui donne à supposer qu’il naquit quinze ou vingt ans avant Jésus-Christ. Il fut ainsi à la lois l’aîné et le survivant de Jésus. C’est sans doute pendant la jeunesse de Jésus qu’il écrivit ces innombrables livres où le judaïsme était envisagé d’une façon si originale. Quel dommage que, dans ses derniers écrits, il n’ait pas consacré quelques réflexions à ce qui se passait en Galilée ! A vrai dire, le premier embryon du christianisme fut si peu de chose que Philon peut-être ne vit et n’entendit jamais rien qui s’y rapportai.

L’érudition grecque de Philon était très considérable. Il savait évidemment tout ce qu’on savait à Alexandrie de son temps. Il lisait une foule d’écrits maintenant perdus. Aucun autre Juif n’eut une connaissance aussi parfaite de la culture grecque. Son style est le grec classique, non ce style plein d’hébraïsmes et imité des Septante dont se servaient les Juifs. — Son érudition hébraïque, au contraire, était très courte. Il savait à peine l’hébreu. Il travaillait sur la traduction grecque du Pentateuque et des prophètes. Ses étymologies hébraïques sont mauvaises ; mais, après tout, celles des docteurs palestiniens n’étaient pas meilleures. Ses Interpretationes vocum hebraicarum ont été le noyau de la collection qui, grossie ou corrigée par Origène, Eusèbe, saint Jérôme, a défrayé la misérable science hébraïque du moyen âge, jusqu’à la Renaissance.

La nature de Philon était aussi excellente que son éducation fut accomplie. C’était un bel esprit et un beau caractère, honnête homme, libéral, aimant ses compatriotes et le genre humain tout entier. Les subtilités de ses explications allégoriques lui étaient commandées parles exigences de son apologétique ; sans philologie, sans critique, il l’était assurément : mais personne alors, dans le monde juif, n’en avait plus que lui, et nul, puisque Jésus ne parlait pas encore, n’avait plus de bonté, plus de chaleur d’âme, plus de cœur. Ce sont là de si bonnes choses qu’on oublie qu’elles sont obtenues par une exégèse détestable et des sophismes perpétuels.

Ce qui distingue essentiellement Philon de ses coreligionnaires, même de Josèphe, c’est que, cette culture grecque qu’il possède si bien, il l’aime et l’admire du fond du cœur. Rien chez

  1. Ceci a été raconté dans les Apôtres, p. 194 et suiv.