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l’arène ; c’était une odeur merveilleuse qui se répandait de toutes parts ; et, tous ces miracles, c’était pour des femmes qu’ils se faisaient, pour des femmes cachées autrefois dans l’ombre d’un Gynécée, et que la religion nouvelle affranchissait enfin de cette servitude obscure.

C’est là en effet la grande révolution que le christianisme a faite dans la vie du monde, et qui se marque à chaque page de l’histoire des saints et des martyrs ; il a fait entrer les femmes dans la société, il les a relevées de la déchéance où les tenaient les mœurs grecques et romaines. Depuis le Christ, les femmes ont vécu au grand jour ; elles ont paru dans l’histoire. C’est là un grand changement. Jusque-là, en effet, sur la place publique, au sénat, presque partout, enfin, les hommes vivent entre eux. Le christianisme fait des assemblées publiques où les femmes ont droit de paraître : ce sont les églises. Jusque-là quelques-unes à peine paraissent dans l’histoire ; et pour y figurer, il leur faut ou des vertus fabuleuses, comme Clélie, ou l’oubli de la pudeur, comme Aspasie ; il leur faut être ou une héroïne ou une courtisane, c’est-à-dire avoir un rôle à part et d’exception. Depuis le christianisme, les femmes sont partout de moitié dans l’histoire du monde, et cela sans efforts, sans vertus ni vices extraordinaires. Cette seule différence entre les temps anciens et les temps modernes indique quelle révolution s’est faite dans la société.

Nulle part, certes, cette révolution n’est plus sensible que dans les vies des saints du premier et du second siècle de l’ère chrètienne. Ce sont les femmes qui jouent partout le principal rôle ; ce sont elles qui recueillent et secourent les martyrs ; ce sont elles qui sont les plus hardies à professer la foi nouvelle et à braver les dieux de l’Empire. Ces femmes, autrefois cachées et obscures, elles ne craignent plus le grand jour, elles paraissent devant les tribunaux ; elles sont plongées dans les prisons, exposées aux bêtes. Pour les frapper, la persécution les relève de leur déchéance ; elle leur donne l’égalité avec les hommes : c’est l’égalité des tourmens et des supplices ; mais patience ! plus tard, ce sera l’égalité des droits ; et les portes du Gynécée, que le paganisme a abattues dans sa colère, pour