Page:Revue de Paris - 1829 - tome 1.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faite pour ce peuple chrétien qui commençait à vivre au sein de l’empire romain, sans que Rome daignât encore s’en apercevoir ou s’en soucier ; pour ce peuple d’artisans ; d’esclaves et d’affranchis que Dieu faisait croître en silence avec leur foi nouvelle pour être les pères de notre monde moderne. C’était un curieux spectacle : le monde ancien allait, comme à son ordinaire, s’asseoir à ses jeux du Cirque, sacrifier des victimes dans ses temples ; il montait au Capitole remercier les dieux de l’éternité de l’empire, tandis que, sous ces cirques, sous ces temples et sous ce Capitole, le monde nouveau, caché au fond des Catacombes, et mieux encore au fond du peuple, se remuait et s’agitait jusqu’à ce qu’il éclatât au grand jour. Dans les palais, sous les portiques, dans les maisons de plaisance, à Baies, à Pouzzoles, le monde ancien se repaît de ses poètes et de ses orateurs ; il lit Épictète avec Thraséas et les sages, Pétrone avec les débauchés, Ovide avec les beaux-esprits ; il s’amuse des métamorphoses de la mythologie, et chez ces païens du beau monde, c’est un poète railleur qui est le dernier hiérophante des dieux d’Athènes et de Rome. Que fait cependant le monde nouveau ? Il n’a ni livres encore ni littérature ; mais qu’un apôtre, ou qu’un disciple des apôtres, dans quelque petite ville d’Orient ou d’Occident, adresse à ses frères des paroles de consolation, d’espérance, ces simples paroles passent de bouche en bouche dans tout l’empire ; chaque chrétien y ajoute quelque chose de sa foi et de son cœur ; ce n’est plus le langage d’un seul homme, c’est le commun entretien de toute la chrétienté : voilà les orateurs du monde nouveau ; et si quelque saint confesseur ou quelque vierge meurt martyr dans un coin du monde, la renommée de sa mort vole aussitôt partout où il y a des chrétiens ; l’imagination populaire embellit l’histoire de son supplice, et prête à son agonie un caractère merveilleux : voilà les poètes du monde nouveau.

Dans les premiers temps de la Grèce, il y avait des chants populaires qui se répétaient de province en province. Les rapsodes, espèces de poètes et de chanteurs, allaient de ville en ville, chantant les exploits des anciens héros, d’Agamemnon, de Diomède, d’Achille. Leurs chants s’apprenaient dans les familles ; mais que de

5.