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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

peinture. Mais, en dépit de ces désavantages, le lecteur capable de s’affranchir des entraves de la réalité, et de suppléer par l’imagination aux accessoires qui manquent à ces grossières légendes, y trouve un intérêt de vraisemblance, et des impressions naïves que le romancier, avec tout son talent, doit renoncer à faire naître.

Néanmoins on peut dire de la muse des fictions romanesques :

« Mille habet ornatus. »

Le professeur Musœus et les auteurs de son école ont su habilement orner ces simples légendes, et relever les caractères de leurs personnages principaux de manière à donner plus de relief encore au merveilleux qu’elles contiennent, sans trop s’écarter de l’idée première du conte ou de la tradition. Par exemple, dans l’Enfant du prodige, la légende originale ne s’élève guère au-dessus d’un conte de nourrice ; mais quel intérêt elle emprunte au caractère de ce vieux père égoïste qui troque ses quatre filles contre des œufs d’or et des sacs de perles !

Une autre manière de se servir du merveilleux et du surnaturel a ressuscité de nos jours le roman des premiers âges avec leur histoire et leurs antiquités. Le baron de la Motte-Fouqué s’est distingué en Allemagne par un genre de composition qui exige à la fois la patience du savant et l’imagination du poète. Ce romancier a pour but de retracer l’histoire, la mythologie et les mœurs des anciens temps dans un tableau animé. Les Voyages de Thioldolf, par exemple, initient le lecteur à cet immense trésor de superstitions gothiques qu’on trouve dans l’Edda et les Sagas des nations septentrionales. Afin de rendre plus frappant le caractère de son brave et généreux Scandinave, l’auteur lui a opposé, comme contraste, la chevalerie du Midi, sur laquelle il prétend établir sa supériorité.

Dans quelques-uns de ses ouvrages, le baron de la Motte-Fouqué a été trop prodigue de détails historiques. L’intelligence du lecteur ne peut pas toujours le suivre quand il le conduit à travers les antiquités allemandes. Le romancier ne saurait trop prendre garde d’étouffer l’intérêt de sa fiction sous les matériaux de la science : tout ce qui n’est pas immédiatement compris, ou