Page:Revue de Paris - 1829 - tome 1.djvu/34

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

servir le roman merveilleux aux intentions de sa satire philosophique. C’est là ce qu’on peut appeler le côté comique du surnaturel. L’auteur déclare sans détour son projet de rire lui-même des prodiges qu’il raconte ; il ne cherche qu’à exciter des sensations plaisantes, sans intéresser l’imagination, et encore moins les passions du lecteur. Malgré les écrits de Wieland et de quelques autres Allemands, les Français sont restés, les maîtres de cette espèce de poèmes et de romans héroï-comiques, qui comprend les ouvrages bien connus de Pulci, de Berni, et peut-être jusqu’à un certain point, ceux d’Arioste lui-même, qui, dans quelques passages du moins, lève assez sa visière chevaleresque pour nous laisser voir son sourire moqueur.

Un coup-d’œil général sur la carte de ce délicieux pays de féerie nous y révèle une autre province, qui, tout inculte qu’elle puisse être, et peut-être à cause de cela même, offre quelques scènes pleines d’intérêt. Il est une classe d’antiquaires, qui, pendant que les autres travaillent à recueillir et à orner les anciennes traditions de leur pays, ont choisi la tâche de rechercher les vieilles sources de ces légendes populaires, chères jadis à nos aïeux, négligées depuis avec dédain, mais rappelées enfin pour partager, avec les ballades primitives d’un peuple, la curiosité qu’inspire leur simplicité même. Les Deutsche Sagen des frères Grimm est un admirable ouvrage de ce genre, réunissant, sans prétention de Style, les diverses traditions qui existent en Allemagne sur les superstitions populaires, et sur les événemens attribués à une intervention surnaturelle. Il est, en allemand, d’autres ouvrages de la même catégorie, recueillis, avec une exactitude scrupuleuse. Quelquefois vulgaires, quelquefois ennuyeuses, quelquefois puériles, les légendes rassemblées par ces auteurs zélés forment néanmoins un échelon dans l’histoire de la race humaine, et lorsqu’on les compare aux recueils semblables des autres pays, elles paraissent nous prouver qu’une origine commune a mis un fonds commun de superstition à la portée des divers peuples. Que devons-nous penser en voyant les nourrices du Jutland et de la Finlande racontant à leurs enfans les mêmes traditions que celles qu’on trouve en Espagne