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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

tenait là debout, sombre comme la nuit, hagarde comme dix furies, formidable comme l’enfer, et brandissant un dard affreux ; cette partie qui semblait sa tête, portait l’apparence d’une couronne de roi. »

Dans cette description, tout est sombre, vague, incertain, terrible et sublime au plus haut degré. La seule citation digne d’être rapprochée de ce passage est l’apparition si connue du Livre de Job : « Parmi les visions de la nuit, lorsque le sommeil descend sur les hommes, la peur vint me saisir avec un tremblement qui fit craquer tous mes os. Alors un esprit passa devant mon visage ; les cheveux de ma tête se hérissèrent : l’esprit était là ; mais je n’en pouvais distinguer la forme ; une image était devant mes yeux ; le silence régnait, et j’entendis une voix ! »

D’après ces grandes autorités, il est évident que les interventions surnaturelles dans les fictions doivent être rares, courtes et vagues. Il faut enfin introduire très-adroitement des êtres qui sont si incompréhensibles et si différens de nous-mêmes, que nous ne pouvons conjecturer exactement d’où ils viennent, pourquoi ils sont venus, et quels sont leurs attributs réels. De là il arrive habituellement que l’effet d’une apparition, quelque frappant qu’il ait été d’abord, va toujours, en s’affaiblissant, chaque fois qu’on a recours au même moyen. Dans Hamlet, la seconde entrée de l’ombre produit une impression moins forte que la première, et dans maints romans que nous pourrions citer, le personnage surnaturel perd peu à peu tous ses droits à notre-terreur et à notre respect, en condescendant à se faire voir trop souvent, en se mêlant trop aux événemens de l’histoire, et surtout en devenant trop prodigue de ses paroles, ou, comme on dit, trop bavard. Nous doutons même qu’un auteur fasse sagement de permettre à son fantôme de parler, s’il le montre en même temps aux yeux mortels. C’est soulever tous les voiles du mystère à la fois ; et pour les esprits comme pour les grands, a été fait le proverbe de : familiarité engendre mépris.

C’est après avoir reconnu que l’effet du merveilleux est facilement épuisé, que les auteurs modernes ont tenté de se frayer de nouvelles routes dans le pays des enchantemens, et de raviver par