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LITTÉRATURE ÉTRANGÈRE.

que les enfans seuls daignaient désormais écouter, bien qu’elles eussent charmé jadis, chez leurs ancêtres, la jeunesse, l’âge mûr et les vieillards.

On s’aperçut aussi que le merveilleux dans les fictions demandait à être employé avec une grande délicatesse, à mesure que la critique commençait à prendre l’éveil. L’intérêt que le merveilleux excite est, il est vrai, un ressort puissant ; mais il est plus sujet qu’un autre à s’user par un trop fréquent usage : l’imagination doit être stimulée sans jamais être complètement satisfaite ; si, une fois, comme Macbeth, « nous nous rassasions d’horreurs, » notre goût s’émousse, et le frémissement de terreur, que nous causait un simple cri au milieu de la nuit, se perd, dans cette espèce d’indifférence avec laquelle le meurtrier de Duncan parvint à apprendre les plus cruelles catastrophes qui accablèrent sa famille.

Les incidens surnaturels sont en général d’un caractère sombre et indéfinissable, tels que les fantastiques images que décrit l’héroïne de Milton dans Comus :

« Mille formes diverses commencent à se presser dans ma mémoire ; des fantômes m’appellent ou me font des signes de menace ; j’entends des voix aériennes qui articulent des noms d’hommes, etc., etc. »

Burke remarque que l’obscurité est nécessaire pour exciter la terreur, et à ce sujet, il cite Milton comme le poète qui a le mieux connu le secret de peindre les objets terribles. En effet, sa peinture de la mort, dans le second livre du Paradis perdu, est admirable. Avec quelle pompe sombre, avec quelle énergique incertitude de traits et de couleurs il a tracé le portrait de ce roi[1] des épouvantemens :

« Cette autre forme (si on peut appeler ainsi ce qui n’avait point de formes et ce qui semblait un fantôme sans en être un) se

  1. La mort en anglais est toujours personnifiée au masculin. Chez nous, Racine a dit :

    La mort est le seul dieu que j’osais implorer.