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LITTÉRATURE ANCIENNE.

ce fougueux l’Angeli, comme si l’Angeli, fou de roi, était réellement un fou privé de raison ; il fera monter la trop courte beauté sur des patins, comme si une beauté pouvait être longue ou courte. Encore un coup, chez Boileau, la métaphore, évidemment, ne surgit presque jamais une, entière, indivisible et tout armée ; il la compose, il l’achève à plusieurs reprises ; il la fabrique avec labeur, et l’on aperçoit la trace des soudures. À cela près, et nos réserves posées, personne plus que nous ne rend hommage à cette multitude de traits fins et solides, de descriptions artistement faites, à cette moquerie tempérée, à ce mordant sans fiel, à cette causerie mêlée d’agrément et de sérieux, qu’on trouve dans les bonnes pages de Boileau ; il nous est impossible pourtant de ne pas préférer le style de Régnier ou de Molière.

Que si maintenant on nous oppose qu’il n’était pas besoin de tant de détours pour énoncer sur Boileau une opinion si peu neuve, et que bien des gens partagent au fond, nous rappellerons qu’en tout ceci nous n’avons prétendu rien inventer ; que nous avons seulement voulu rafraîchir en notre esprit les idées que le nom de Boileau réveille, remettre ce célèbre personnage en place, dans son siècle, avec ses mérites et ses imperfections, et revoir sans préjugés, de près à la fois et à distance, le correct, l’élégant, l’ingénieux rédacteur d’un code poétique abrogé.


Sainte-Beuve.