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chemin, que le Roi désapprouvait comme basse, et que condamnaient à l’envi tous les courtisans, et Racine le premier. Boileau seul, conseillé de son bon sens, osa défendre l’expression ; mais il la défendit bien moins comme nette et franche en elle-même, que comme reçue dans le style noble et poli, depuis que Vaugelas et d’Ablaucourt l’avaient employée.

Si de la théorie poétique de Boileau nous passons à l’application qu’il en fait en écrivant, il ne faudra, pour le juger, que pousser sur ce point l’idée générale, tant de fois énoncée dans cet article. Le style de Boileau, en effet, est sensé, soutenu, élégant et grave ; mais cette gravité va quelquefois jusqu’à la pesanteur, cette élégance jusqu’à la fatigue, ce bon sens jusqu’à la vulgarité. Boileau, l’un des premiers, et plus instamment que tout autre, introduisit dans les vers la manie des périphrases, dont nous avons vu, sous Delille, le grotesque triomphe ; car quel misérable progrès de versification, comme dit M. Emile Deschamps, qu’un logogryphe en huit alexandrins, dont le mot est chiendent ou carotte! « Je me souviens, écrit Boileau à M. de Maucroix, que » M. de La Fontaine m’a dit plus d’une fois que les deux vers de » mes ouvrages qu’il estimait davantage, c’étaient ceux où je loue le » Roi d’avoir établi la manufacture des points de France, à la place » des points de Venise. Les voici ; c’est dans la première épître à » Sa Majesté :


» Et nos voisins frustrés de ces tributs serviles
» Que payait à leur art le luxe de nos villes. »


Assurément La Fontaine était bien humble de préférer ces vers de Boileau à tous les autres ; à ce prix, les siens propres, si francs et si naïfs d’expression, n’eussent guère rien valu. « Croiriez-vous, dit encore Boileau dans la même lettre, en parlant de sa dixième épître, croiriez-vous qu’un des endroits où tous ceux à qui je l’ai récitée se récrient le plus, c’est un endroit qui ne dit autre chose sinon qu’aujourd’hui que j’ai 57 ans, je ne dois