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LITTÉRATURE ANCIENNE.

à ce qu’il paraît, grondeuse et revêche. Mais les distractions du monde ne permettaient guère alors à Boileau de se ressentir des chicanes domestiques qui troublaient le ménage de son frère. En 1679, à la mort de Jérôme, il logea quelques années chez son neveu Dongois, aussi greffier ; mais bientôt, après avoir fait en carrosse les campagnes de Flandre et d’Alsace, il put acheter avec les libéralités du Roi une petite maison à Auteuil, et on l’y trouve installé dès 1687. Sa santé d’ailleurs, toujours si délicate, s’était dérangée de nouveau ; il éprouvait une extinction de voix et une surdité qui lui interdisaient le monde et la cour. C’est en suivant Boileau dans sa solitude d’Auteuil qu’on apprend à le mieux connaître ; c’est en remarquant ce qu’il fit ou ne fit pas alors, durant près de trente ans, livré à lui-même, faible de corps, mais sain d’esprit, au milieu d’une campagne riante, qu’on peut juger avec plus de vérité et de certitude ses productions antérieures, et assigner les limites de ses facultés. Eh bien ! le dirons-nous ? Chose étrange, inouïe ! pendant ce long séjour aux champs, en proie aux infirmités du corps qui, laissant l’âme entière, la disposent à la tristesse et à la rêverie, pas un mot de conversation, pas une ligne de correspondance, pas un vers qui trahisse chez Boileau une émotion tendre, un sentiment naïf et vrai de la nature et de la campagne. Non, il n’est pas indispensable, pour provoquer en nous cette vive et profonde intelligence des choses naturelles, de s’en aller bien loin, au-delà des mers, parcourant les contrées aimées du soleil et la patrie des citronniers, se balançant tout le soir dans une gondole, à Venise ou à Baïa, aux pieds d’une Elvire ou d’une Guiccioli. Non, bien moins suffit ; voyez Horace, comme il s’accommode, pour rêver, d’un petit champ, d’une petite source d’eau vive, et d’un peu de bois au-dessus, et paulim silvœe super his foret ; voyez La Fontaine, comme il aime s’asseoir et s’oublier de longues heures sous un chêne : comme il entend à merveille les bois, les eaux, les prés, les garennes, et les lapins broutant le thym et la rosée, les fermes avec leurs fumées, leurs colombiers et leurs basses-cours ! Et le bon Ducis, qui demeura lui-même à Auteuil, comme il aime aussi et comme il peint les petits fonds rians et les revers de coteaux ! « J’ai