Page:Revue de Paris - 1829 - tome 1.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
LITTÉRATURE ANCIENNE.

dans sa moquerie, une sobriété dans son sourire, qui lui interdisaient les débauches d’esprit de ses devanciers ; et puis, les mœurs avaient perdu en saillie depuis que la régularité d’Henri IV avait passé dessus : Louis XIV allait imposer le décorum. Quant à l’effet hautement poétique et religieux des monumens d’alentour sur une jeune vie commencée entre Notre-Dame et la Sainte Chapelle, comment y penser en ce temps-là? Le sens du moyen-âge était complètement perdu ; l’ame seule d’un Milton pouvait en retrouver quelque chose, et Boileau ne voyait guère dans une cathédrale que de gras chanoines et un lutrin. Aussi que sort-il tout à coup, et pour premier essai, de cette verve de vingt-quatre ans, de cette existence de poète si long-temps misérable et comprimée ? Ce n’est ni la pieuse et sublime mélancolie du Penseroso s’égarant de nuit, tout en larmes, sous les cloîtres gothiques et les arceaux solitaires ; ni une charge vigoureuse, dans le ton de Régnier, sur les orgies nocturnes, les allées obscures et les escaliers en limaçon de la cité ; ni une douce et onctueuse poésie de famille et de coin du feu, comme en ont su faire La Fontaine et Ducis ; c’est Damon, ce grand auteur, qui fait ses adieux à la ville, d’après Juvénal ; c’est une autre satire sur les embarras des rues de Paris ; c’est encore une raillerie fine et saine des mauvais rimeurs qui fourmillaient alors, et avaient usurpé une grande réputation à la ville et à la cour.

Nous venons de dire que le sens du moyen-âge était déjà perdu depuis long-temps ; il n’avait pas survécu, en France, au seizième siècle : l’invasion grecque et romaine de la renaissance l’avait étouffé. Toutefois, en attendant que cette grande et longue décadence du moyen-âge fût menée à terme, ce qui n’arriva qu’à la fin du dix-huitième siècle, en attendant que l’ère véritablement moderne commençât pour la société et pour l’art en particulier, la France, à peine reposée des agitations de la Ligue et de la Fronde, se créait lentement une littérature, une poésie, tardive sans doute, et quelque peu artificielle, mais d’un mélange habilement fondu, originale dans son imitation, et belle encore au déclin de la société dont elle décorait la ruine. Le drame mis à part, on peut