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LITTÉRATURE ANCIENNE.

pierre, et l’opération, faite en apparence avec succès, lui laissa cependant pour le reste de sa vie une très-grande incommodité. Au collège, Boileau lisait, outre les auteurs classiques, beaucoup de poèmes modernes, de romans, et bien qu’il composât lui-même, selon l’usage des rhétoriciens, d’assez mauvaises tragédies, son goût et son talent pour les vers était déjà reconnu de ses maîtres. En sortant de philosophie, il fut mis au droit ; son père mort, il continua de demeurer chez son frère Jérôme, qui avait succédé à la charge de greffier, se fit recevoir avocat, et bientôt, las de la chicane, il s’essaya à la théologie sans plus de goût ni de succès ; il n’y obtint qu’un bénéfice de 800 livres, qu’il résigna, après quelques années de jouissance, au profit, dit-on, de la demoiselle Marie Poncher de Bretouville, qu’il avait aimée, et qui se faisait religieuse : à part cet attachement, qu’on a même révoqué en doute, il ne semble pas que la jeunesse de Despréaux ait été fort passionnée, et lui-même convient qu’il est très-peu voluptueux. Ce-petit nombre de faits connus sur les vingt-quatre premières années de sa vie nous mènent jusqu’en 1660, époque où il débute dans le monde littéraire par la publication de ses premières satires.

Les circonstances extérieures étant données, l’état politique et social étant connu, on conçoit quelle dut être, sur une nature comme celle de Boileau, l’influence de cette première éducation, de ces habitudes domestiques et de tout cet intérieur. Rien de tendre, rien de maternel autour de cette enfance infirme et stérile ; rien pour elle de bien inspirant ni de bien sympathique dans toutes ces conversations de chicane auprès du fauteuil du vieux greffier ; rien qui touche, qui enlève et fasse qu’on s’écrie avec Ducis : « Oh ! que toutes ces pauvres maisons bourgeoises rient à mon cœur ! » Sans doute à une époque d’analyse et de retour sur soi-même, une ame d’enfant rêveur eût tiré parti de cette gêne et de ce refoulement ; mais il n’y fallait pas songer alors, et d’ailleurs l’âme de Boileau n’y eût jamais été propre. Il y avait bien, il est vrai, la ressource de la moquerie et du grotesque ; déjà Villon et Régnier avaient fait jaillir une abondante poésie de ces mœurs bourgeoises, de cette vie de cité et de basoche ; mais Boileau avait une retenue