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gion se mêlait a tout, la religion était toujours présente a la pensée des chroniqueurs. Après les intérêts de l’Église, venaient pour eux ceux de leur monastère. La fondation d’un couvent, la réunion d’une ferme, d’une vigne, d’un moulin aux domaines du cloître, ont souvent plus d’importance a leurs yeux, et tiennent plus de place dans leur narration, que l’établissement d’un royaume ou la conquête d’une province. En nous parlant des héros et des princes, ils les désignent plutôt par leurs qualités physiques que par leurs qualités morales. En rapportant tout ce qui arrive de remarquable dans les sociétés, ils ne cherchent guère a en faire connaître ni les causes ni les suites. Seulement ils ajoutent quelquefois au récit d’un événement malheureux une réflexion pieuse ; et lorsqu’ils ont raconté la chute d’un empire ou la mort d’un grand roi, ils s’écrient que la gloire du monde se dissipe comme la fumée, qu’elle s’écoule comme l’eau des torrens, et se dessèche comme la fleur printanière.

Une saison pluvieuse, une inondation, une sécheresse, un orage occupait alors l’attention de l’histoire, car la prospérité publique consistait dans les moissons ; la stérilité ou l’abondance de chaque année répandaient parmi les peuples la tristesse ou la joie. Les chroniqueurs n’épargnent sur ce point aucun détail ; Guillaume-le-Breton interrompt son histoire du règne de Philippe-Auguste pour nous apprendre qu’un jour d’été la foudre abattit le coq doré qui surmontait le clocher de Saint-Denis, et qu’au mois de septembre de la même année une gelée blanche et la neige tombèrent sur les vignes, ce qui diminua beaucoup la récolte du vin, « encore ce vin fût-il âpre et verd. »

À voir l’exactitude scrupuleuse avec laquelle nos anciens auteurs nous rappellent les éclipses de la lune et du soleil, les phénomènes et les changemens remarquables de l’atmosphère, on pourrait croire qu’ils écrivent l’histoire des saisons ou les annales du ciel. Comme leurs contemporains, ils s’occupent plus volontiers de l’avenir que du passé, et c’est dans le spectacle des révolutions célestes que leur crédulité inquiète cherche la connaissance des événemens futurs. Plusieurs chroniqueurs du douzième siècle nous disent qu’une